samedi 28 mars 2020

CoVid-19, quand la peur devient contagieuse

Un vent de panique balaye la planète, un ennemi invisible nous a déclaré la guerre.  Il a pour nom SARS-CoV-2, il nous fait subitement prendre conscience que l'espèce humaine peut être mise à mal, meurtrie dans sa chair. La pandémie, qu'on n'imaginait pas aussi foudroyante, est  en train de renverser notre économie mondiale. Qui aurait pu imaginer un tel cataclysme ? Sommes-nous en train de vivre une série de mutations à grande échelle ? Comme si notre bonne vieille planète se rebellait contre notre folle propension  à gaspiller ses ressources, et nous envoyait un violent uppercut, nous clouant direct au tapis. Une sorte d'avertissement. Sommes-nous prêts à l'entendre ? Rien n'est moins sûr. 

Le SARS-CoV-2 est entré de plein fouet dans notre imaginaire, renvoyant notre Psyché à nos peurs primales. Il a fait surgir du tréfonds de notre inconscient collectif une angoisse ancestrale, prête à se manifester dans sa noirceur implacable et à parader sous ses plus beaux oripeaux.   
Nous avons pourtant les armes pour vaincre, l'intelligence artificielle, alliée à la nôtre, devrait suffire à faire plier l'affaire. Nous trouverons des solutions, c'est certain. Pourrions- nous imaginer un seul instant, que notre espèce soit menacée directement ? 

Quand les Chinois ont confiné une province entière et enjoint l'équivalent de la population française à ne plus sortir de chez elle, on s'est dit que chez nous, en France, une telle mesure liberticide ne passerait pas. On a pensé, dans un aveuglement coupable, que le virus s'arrêterait net à nos portes, comme par enchantement, que cette  épidémie serait à peine plus virulente que celle d’une mauvaise grippe. Et finalement, tout est allé vertigineusement très vite. Et passé l'étrange sentiment de voir des routes, des rues, des villes désertes, l'inquiétude a pris le dessus, la peur de l'inconnu, de voir se dresser devant nous une situation inédite, à laquelle nous ne serions pas préparés. Les visages se sont crispés. Le confinement a cédé le pas à la paranoïa. Les masques ont proliféré un peu partout, dans les rues, les supermarchés. La peur s'en trouvant chevillée au corps, s'enracinant peu à peu dans notre quotidien. Avec l'angoisse  permanente, non pas de diffuser cette saloperie de microbe, mais de se trouver soi-même infecté.
Je suis ambulancier. Dans une région du Grand Est où la situation est au bord de la rupture. Nos hôpitaux regorgent de CoVid-19, on aménage des services entiers pour les parquer. La région dispose de 900 lits de réanimation. À l'heure où j'écris ces lignes,  plus de 700 lits sont occupés.  On évacue par TGV, par avion, par hélicoptère. Mais l'afflux de patients en réanimation est constant. Les médecins gèrent du mieux qu'ils peuvent une situation qui va humainement très vite devenir ingérable. 
  

J'ai ressenti cette angoisse se matérialiser d'un coup. Du jour au lendemain, à l'hôpital, une suspicion de CoVid-19 s'est présentée sans crier gare, et tout le monde s'est mis à porter des masques chirurgicaux. Secrétaires, infirmières, brancardiers, tout le personnel a subitement pris conscience qu'il pouvait être contaminé.  La peur était physiquement palpable. La paranoïa s'affûtait avec le temps, les précautions d'hygiène prenaient une drôle de tournure obsessionnelle. Ne pas poser ses mains n'importe où. Lavages de mains intensifs. Attention aux boutons d'ascenseur, aux clenches de portes, autant de nids douillets pour virus en chasse. Je prenais subitement conscience du moindre de mes gestes, ceux auxquels on ne prête généralement pas attention, les plus élémentaires. Se frotter les yeux, effleurer ses lèvres, se grattouiller le nez. La vigilance est à son comble. Par peur de ramener cette saloperie de virus à la maison, et de contaminer femme et enfant.
J'ai parfois le sentiment de vivre un très mauvais film d'anticipation. Mais non, tout est bien réel. La guerre est déclarée. Nous allons vaincre. Forcément. Mais à quel prix ?

Kermite.