samedi 20 août 2022

Le Baron de Crac - Karel Zeman, 1961 - VOSTFR






Bien avant que l'homme ne mette effectivement les pieds sur la Lune un certain 21 juillet 1969, bien avant même qu'il ne conçoive des machines volantes ou autres vaisseaux futuristes capables d'un tel exploit, des poètes, écrivains ou philosophes ont célébré par l'imagination la réussite d'un aussi périlleux voyage. Il y a presque deux mille ans, le satiriste et écrivain grec, Lucien de Samosate imagine dans Icaroménippe un envol vers la lune à la seule force des bras. Ménippe, héros de ce savoureux dialogue philosophique, explique à son ami comment il réussit à dépasser le rêve d'Icare (1) et à voler au-dessus des nuages. L'idée est d'une simplicité naturelle. Grâce à un système de courroie, il attache une aile d'aigle sur son épaule gauche, une aile de vautour sur son épaule droite, et peut ainsi s'affranchir facilement de la pesanteur en battant des ailes !

Sous ses allures de fable poétique, Icaroménippe brosse une critique féroce des philosophies de l'Antiquité, de leur dogmatisme, et de leur prétention à vouloir donner une explication du monde.

En s'élevant vers la Lune, Ménippe ambitionne de mieux comprendre la nature des astres et d'appréhender le mystère des choses. La distance qui le sépare de la Terre lui permet de saisir le  théâtre de la vie dans toute son étendue, de poursuivre un voyage intérieur en s'adonnant à la  contemplation. Un voyage céleste qui s'inscrit dans une quête de la connaissance, et s'affirme d'emblée comme une voie vers la sagesse.

Au XVIIe siècle, l'évêque anglais Francis Godwin poursuit et perpétue la tradition des voyages imaginaires en écrivant l'Homme sur la Lune. Ce sémillant roman picaresque, publié après la mort de l'auteur en 1638, relate les fabuleuses aventures de Domingo Gonzales, aristocrate espagnol et infatigable voyageur. Après moult péripéties rocambolesques, il construit une drôle de machine volante tirée par des oies qu'il a lui-même dressées, prend son envol vers la Lune et s'y échoue.



Domingo Gonzales à bord de sa drôle de machine volante tractée par des oies. Un bien étrange ballet en route pour la Lune...



Il y fait la connaissance de ses habitants, les lunaires, géants de 20 pieds, dont l'espérance de vie est proportionnelle à leur taille, et qui s'assoupissent à la lumière du soleil  ! La Lune telle que l'imagine Francis Godwin est le reflet d'un monde utopique. On y trouve des pierres précieuses à profusion et une société idéale et rêvée, d'où les vices et crimes sont exclus. La Lune paraît nimbée d’une nuée de fantasmes. Pourtant, le roman de Francis Godwin est traversé par le souffle d'une certaine modernité scientifique et porte déjà l'Esprit de la Renaissance. Il pose pour principe acquis l'héliocentrisme du chanoine Copernic, et développe une certaine idée de l'attraction terrestre, qui
trouvera chez Isaac Newton son expression mathématique dans la loi de la gravitation. (2)

Contemporain de Francis Godwin, l'écrivain français Savinien de Cyrano de Bergerac poursuit avec panache la longue tradition des voyages imaginaires, en écrivant Les États et Empires de la Lune. (3) Publiée par son ami Henry Le Bret, deux ans après sa mort en 1657, cette œuvre inclassable se démarque par l'originalité de son ton et la hardiesse de ses discours philosophiques. Le narrateur embarque dans une machine portée par des fusées à poudre, qu'il finit par quitter en cours de route, et se laissera choir sur la lune grâce à la moelle de bœuf dont il s'était au préalable induit le corps, et que la lune aspire à sucer dans son inévitable attraction.


Une cabine propulsée par des gros pétards pour conquérir la Lune. 



La lune est le lieu privilégié où s'exerce une liberté d'imagination et de penser qui n'existe pas sur Terre. Les États et Empires de la Lune est un conte philosophique où science et fiction se mêlent intrinsèquement pour célébrer le pouvoir et les puissances de l'imagination. Il met en scène une pléiade de personnages, tous animés d'une insatiable curiosité intellectuelle, discourant librement sur à peu près tous les savoirs de l'époque. 

À travers leur voix, Cyrano de Bergerac n'hésite pas à remettre en question l'autorité religieuse et les fondements métaphysiques d'une cosmologie qui peine à évoluer depuis deux millénaires.  La portée scientifique de l'œuvre y est d'autant plus vive qu'elle s'inscrit dans une époque où la Révolution Copernicienne est déjà en marche. Les Cieux sont loin d'être aussi incorruptibles que l'Église l'affirme. La Terre, (et l'Homme en conséquence), n'est plus le centre d'un Univers harmonieux, fini et bien ordonné. Johannes Kepler et Galilée vont porter le coup de grâce à l’ordre cosmique traditionnel. C'est désormais toute l'étendue des mondes infinis qui s'impose aux esprits.

En lisant certains passages des États et Empires de la Lune,  j’ai été frappé d'y trouver une vision de notre univers d'une étonnante modernité. Le narrateur y affirme ainsi  « que les planètes sont des mondes autour du Soleil, et que les étoiles fixes sont aussi des Soleils qui ont des planètes autour d'eux, c'est-à-dire, des mondes que nous ne voyons pas d'ici à cause de leur petitesse, et parce que leur lumière empruntée ne saurait venir jusqu'à nous.» (4)
Et un peu plus loin, sur la probabilité qu'il existe réellement une kyrielle de mondes que nous ne pouvons voir   : «Il faut donc croire que, comme nous voyons d'ici Saturne et Jupiter, si nous étions dans l'un ou dans l'autre, nous découvririons beaucoup de mondes que nous n'apercevons pas, et que l'univers est à l'infini construit de cette sorte.» (4)


Au final, la clef de cette œuvre, aussi originale que fantaisiste, réside peut-être dans l'affirmation que tout homme est libre d'imaginer ce qu'il voudra. Cyrano de Bergerac s'y affirme comme un authentique libre-penseur en combattant toute forme de dogmatisme. Mais il ne cherche pas à supplanter la doxa officielle par ses propres théories, érigées comme des vérités intangibles. Ce qu'il nous propose est un questionnement sans fin, prompt à remettre en cause toutes nos certitudes et à nourrir et raviver inlassablement notre esprit critique.

                                                           &           &

                                                                   &                                                    


Si écrivains et philosophes ont perpétré, par leur imagination, la tradition des voyages lunaires, elle a aussi fasciné et inspiré les cinéastes qui en ont fait leur sujet de prédilection. Parmi eux, Karel Zeman tient dans mon cœur une place de choix, parce qu'il est probablement celui qui rend le plus bel et juste hommage à tous ces rêveurs de l'espace qui ont déployé tant de fantaisie, d'humour et de poésie pour concevoir et imaginer un voyage vers la Lune. Quoi de plus naturel alors que de convoquer Cyrano de Bergerac et le Baron de Münchhausen, qui en sont les plus dignes représentants, et de les réunir dans un film qui fait la part belle à l'imagination et à la rêverie ? C'est ce à quoi s’est dévoué Karel Zeman dans Baron Prášil, sorti en France sous le titre Le Baron de Crac. (5)

Le Baron de Crac est en effet une adaptation pleine de fantaisie du roman de Gottfried August Bürger. Karel Zeman s'en est donné à cœur joie avec un personnage aussi pittoresque et bigarré. Il y a mis toute sa verve, son inspiration et son savoir-faire, rendant la panoplie de ses savoureux trucages encore plus inventive et originale. Tout est bon pour faire illusion et entraîner le spectateur dans de délicieux trompe-l'œil.

Il faut dire que Karel Zeman est alors au sommet de son art quand il réalise en 1961 Baron Prášil . Celui qui fut le plus célèbre représentant de l'école tchèque d'animation fait preuve ici d'une imagination et d'une maîtrise formelle stupéfiantes. L'univers bariolé du cinéaste atteint un degré de perfection qu'il ne retrouvera jamais plus par la suite. Dans Le Baron de Crac, l'art du trucage est mis au service d'un traitement expérimental de la couleur. La variété et le velouté des tons utilisés, tels des épices, donnent toute la saveur au film et sont comme un clin d'œil au cinéma de Georges Méliès et à l'époque pionnière des effets spéciaux, où l’on prenait le temps de colorier la pellicule à la main, image par image. Toute la flamboyance du cinéma dans son essence même. 


Rencontre insolite et surréaliste sur la Lune. Un tableau pittoresque en forme de clin d'œil à Jules Verne et son roman, De la Terre à la Lune. 



Mais ce qui est admirable chez Karel Zeman, ce sont les émotions qu'il est capable de provoquer avec ses trucages. Car l'émotion ne naît pas de la profondeur psychologique des personnages, mais de l'image elle-même tout entière et des richesses esthétiques employées afin de créer des tableaux picturaux d'une étrange et féérique beauté.

La magie de Karel Zeman suit le postulat que la fantaisie d'une histoire, d'un scénario, exige un traitement cinématographique tout aussi fantaisiste. « La fantaisie de l'histoire exige aussi la fantaisie de l'image. » (6) Toute la prouesse de Karel Zeman sera de faire évoluer de vrais acteurs dans un univers irréel et insolite, et de faire astucieusement accepter au spectateur l'invraisemblable : si tout est irréel, alors tout est possible.

Karel Zeman convie Jules Verne, Cyrano de Bergerac et le Baron de Münchhausen dans un récit haut en couleurs, riche en péripéties. L'utilisation d'une voix off ne doit pas masquer le fait que la structure du film renvoie aux premiers âges du cinéma muet. Très peu de dialogues. Les acteurs, fleurons de la scène théâtrale tchèque, trouvent un terrain de jeu proche de la pantomime et du ballet. 



L'humour cartoonesque dans sa désopilante expression. 


Pour accentuer la dimension comique propre au Baron de Münchhausen, les gags abondent, l'humour le dispute au dérisoire, et parfois le ton se fait plus satirique. Le film prend alors l'allure d'un pamphlet antimilitariste.

Le Baron de Crac concrétise le style de Karel ZEMAN dans toute sa splendeur. C'est une œuvre maîtresse qui échafaude un nouveau langage cinématographique et se présente, dans sa magnificence, comme l'incarnation d'un rêve éveillé.



Édité chez Criterion, le film bénéficie d'une nouvelle et superbe restauration 4K. La meilleure. L'image est exceptionnelle, incroyablement nette, limpide et détaillée, et les couleurs sont justes splendides.

Source : Blu-ray US - Édition 2020 Édition Criterion

Les sous-titres en français sont issus du DVD le Baron de Crac édité chez Malavida Films.

(1) Le mythe d'Icare rapporté par Ovide, peut-être vu comme le premier mythe de la conquête du ciel. Dédale et son fils Icare sont prisonniers du roi de Crète, Minos. En s'appuyant sur l'observation des oiseaux, Dédale confectionne des ailes en cire avec lesquelles ils vont s'évader. Mais grisé par le vol et se rapprochant toujours plus du soleil, Icare verra ses ailes fondre, et chutera mortellement dans la mer qui prendra son nom.


(2) On imagine mal aujourd'hui les efforts déployés par Nicolas Copernic pour mettre un terme à deux millénaires de tradition géocentrique. Il est évident que l’héliocentrisme n’allait nullement de soi au 16e siècle. Ce à quoi s’oppose Copernic, c’est avant tout au bon sens avec lequel on acceptait l’évidence de l’immobilité de la Terre et du mouvement des Cieux. L’expérience commune nous apprenait sans conteste que la Terre ne bougeait pas, puisque physiquement, nous ne ressentions pas l’impression d’être en mouvement. Ce sens commun sur lequel se fonde toute la physique aristotélicienne est accrédité et corroboré par les Écritures Saintes, où il est dit que Dieu, pour favoriser la victoire de Josué, retint un jour entier le soleil au milieu du ciel. Remettre en cause le géocentrisme revenait à remettre en question tout un ensemble de traditions qui dépassaient de très loin le strict cadre de l’astronomie. Avec Copernic, c’est tout un monde qui s’écroule, avec toutes les implications religieuses, morales et cosmologiques qu’un tel changement de paradigme implique. L’immutabilité des Cieux et la perfection supraterrestre des astres disparaissent et cèdent leur place à un monde décentralisé et déroutant, où le « bas » et le « haut » ne sont plus absolus, où la Terre, subitement projetée dans les Cieux, obtient le même statut que celui des autres planètes. Les conséquences religieuses de l'héliocentrisme bouleversent entièrement la hiérarchie des Cieux du cosmos médiéval et antique : la région “supra-céleste” domaine de Dieu, n’existe plus, de même que l'Enfer, et avec lui, ses royaumes infernaux et ses cortèges de Damnés. Copernic a bel et bien, sapé l'ordre cosmique traditionnel dans ses fondations et lui a substitué une nouvelle structure hiérarchique dans laquelle le Soleil occupe une place centrale. Curieusement, si l’Univers de Copernic est héliocentrique, son astronomie ne l’est aucunement. Les mouvements planétaires ne se rapportant pas au Soleil, mais au centre de l’orbe terrestre. C’est à l’astronome Johannes Kepler, auteur des lois des mouvements planétaires, que reviendra la tâche de faire de l'héliocentrisme copernicien, non plus un simple principe d'ordre, mais un principe explicatif et physique.

Pour ceux que la Révolution copernicienne intéresserait, je conseille les travaux monumentaux d'Alexandre Koyré qui se consacra, en archéologue, à l'évolution de la pensée scientifique. Un livre indispensable, pointu, mais très accessible : Du monde clos à l'univers infini. Édition Gallimard. 1988.



(3) La publication des États et Empires de la Lune constitue un véritable casse-tête pour les critiques littéraires et historiens, du fait qu'il en existe actuellement quatre versions, dont trois manuscrites et une imprimée datant de 1657, laissant apparaître des différences et variantes qui interpellent. Ainsi, l'édition posthume de 1657 présente des modifications qui laissent penser qu'elle a été vraisemblablement modifiée et censurée par son ami Henry Le Bret qui, en tant qu'éditeur, ne voulait pas d'une œuvre trop compromettante, et l'a expurgée de certains passages jugés trop audacieux. Ce premier roman sera suivi d'une suite, (considérée par beaucoup comme telle) restée inachevée et parue sous le titre, Les États et Empires du Soleil. Les deux romans sont d'ailleurs souvent publiés ensemble, sous le titre de L'Autre Monde ou Histoire Comique des États et Empires de la Lune et du Soleil.

Pour les débats liés autour de la publication des États et Empires de la Lune, voir la controverse qui oppose Madeleine Alcover à Jacques Prévot.

https://journals.openedition.org/dossiersgrihl/5079#ftn5

(4)Les États et Empires de la Lune. Les Éditions de Londres.2014. Page 23.

(5) Le Baron de Crac, issu des traditions gasconnes, est une déclinaison française des aventures du Baron De Münchhausen. Les célèbres exploits allemands du Baron de Münchhausen, qui furent traduits au XVIIIe siècle en France par Saint Hilaire le Gai, se heurtèrent bien vite aux traditions des Gasconnades. Au théâtre, celles-ci mettaient en scène des personnages comiques, hâbleurs et vantards à souhait, contant leurs exploits imaginaires avec la gouaille qu'on leur connaît. Ainsi, le Baron de Münchhausen fut rapidement mis à la sauce gasconne et prit le titre de Baron de Crac. Le nom lui-même est une gasconnade (dans le Sud-Ouest de la France, beaucoup de noms se terminent en -ac) et la principale activité de ce Baron joyeusement fanfaron est de raconter des cracks. Le Baron de Crac éclipsa le Baron de Münchhausen et s'imposa en France jusqu'à la moitié du XXe siècle.


(6) Revue Image et Son, n°194. Mai 1966.



Bonus : 

Dommage que les bonus figurant dans le DVD édité chez Malavida Films soient aussi courts, car ils sont passionnants. On y trouvera pêle-mêle des témoignages de Karel Zeman et de sa fille, ainsi qu'une apparition furtive de l'acteur tchèque, Milos Kopecky.



Vidéos : 


- Film Adventurer Karel Zeman est un documentaire sur Karel Zeman en VO uniquement. (Tchèque sous-titré en anglais)  (Remux Blu-Ray - Mkv - 102 mn)

- Pourquoi Karel Zeman a-t-il tourné ce film ? (Remux DVD - Mkv - VOSTFR - 4mn)

- Les acteurs. (Remux DVD - Mkv - VOSTFR - 3mn)

- Effets Spéciaux (Remux Blu-Ray - Mkv - 4mn)

- Karel Zeman la légende continue. (Remux DVD - Mkv - VOSTFR - 3mn) 

- Echoes of colors (Remux DVD - Mkv -  5mn) Un petit montage réalisé à partir d'images du film sur une musique du quatuor de clarinettes tchèque, Clarinet factory.



Audio : 


-Karel Zeman, le Méliès Tchèque. Extrait de Radio Prague International. (MP3 - 12mn)

-Retour sur l'œuvre de Cyrano de Bergerac.(France Culture - Flac - 29mn)


Revues  : 



-Cinéma 66, n°106.Mai 1966. Le Baron de Crac. Critique de Pierre Philippe. (PDF - 2p)





-Image et Son, n°194.Mai 1966. Karel Zeman s'explique (trop) brièvement sur  l'esthétisme de ses films. (PDF - Extraits - 6p)




-Midi Minuit Fantastique n°15-16. Décembre 1966. Les entretiens avec Karel Zeman ne sont pas légion, et c'est un plaisir de pouvoir lire cette interview dans laquelle il parle de lui et de son travail de cinéaste. Il nous explique, ici, sa façon de faire des films, en dévoilant, au passage, quelques-uns de ses trucages, et nous expose, plus généralement, sa conception artisanale du cinéma. C'est une interview donnée en 1966 à Bruxelles, au bar de l'Arenberg, dans une ambiance chaleureuse, bousculée par la présence d'un inopportun qui s'invite à la discussion au culot ! (PDF - Extraits - 8p)









- Positif. 77-78. Juillet 1966. (PDF - Extraits - 2p)







- L'Écran Fantastique n°281. Novembre 2007. Karel Zeman magicien de l'image. (PDF - Extraits - 3p) 




- Positif n°647. Janvier 2015.





- Jeune Cinéma n°3-4. Décembre 1964. (PDF - Extraits - 4p)



- Le Baron de Crac par Jean-Gaspard Palenicek (PDF -6p)



Sur Cyrano de Bergerac, quelques articles riches en enseignements. 

-Cyrano de Bergerac, entre science et fiction, par Claudine Nédelec. Extrait de L'Information Littéraire.2005.Vol 57. (PDF - 9p)

-Cyrano de Bergerac, ou l'homme qui avait la tête dans les étoiles, par Jacques Prévot. Extrait de la revue  Littératures classiques.1991.(PDF - 18p)

-Raison et invention dans Les États et Empires de la Lune et  du Soleil : du discours scientifique au discours littéraire, par Maria Susana Seguin. Extrait de la revue  Littératures classiques.2004. Supple.53. (PDF -14p)

-Machines volantes, machines du monde et machination romanesque dans  Les États et Empires de la Lune et  du Soleil, par Sylvie Requemora. Extrait de la revue  Littératures classiques.2004. Supple.53. (PDF -17p)




Livres : 


- Lucien de Samosate. Icaroménippe, ou le voyage au-dessus des nuages. Extrait des œuvres complètes. Tome 2. Éditions Hachette.1912. Annoté et traduit par Eugène Talbot. (PDF - 18p) Pour faire mieux connaissance avec Lucien de Samosate, j'ai rajouté l'introduction écrite par Eugène Talbot et extraite du Tome 1. (PDF - 22p)


- Francis Godwin : l'Homme dans la Lune. Traduction de Jean Baudoin,1604. Les Éditions de Londres.2014.  (PDF - 70p)

- Les États et Empires de la Lune, de Cyrano de Bergerac. Les Éditions de Londres.2014. (PDF - 112p)

-Les États et Empires du Soleil, de Cyrano de Bergerac. Les Éditions de Londres.20.  (PDF - 88p)




Liens : 



Film : 

https://1fichier.com/?lvhvvpqmgm52xav4g6mf

(Remux Blu-Ray - MKV - Vostfr + St anglais -21,8 Go)

Bonus : 

https://1fichier.com/?s2l82hzp5cm5rhhibx63


Kermite.

vendredi 18 février 2022

Le Monstre des Temps perdus - Eugène Lourié 1953 Multi







Synopsis : Toute la ville de New-York s'apprête à subir la colère d'un monstre brusquement réveillé par des essais nucléaires...




Devenu réalisateur à plus de 50 ans, Eugène Lourié a connu un parcours pour le moins atypique. Exilé russe fuyant la Révolution Bolchévique comme beaucoup de ses compatriotes, il débarque en France en 1921. Passionné de peinture, il  fait ses premières armes en tant que décorateur, avant de croiser la route de Jean Renoir, qu'il finira par suivre aux États-Unis, pendant la Seconde Guerre mondiale. C'est seulement à l'âge de 51 ans qu'il réalise son premier long métrage, The Monster from Beneath the Sea, un sympathique film de dinosaure qui cristallise déjà tout l'amour que porte Eugène Lourié  pour ces lézards géants. Sur les quatre films dont il est le réalisateur, trois font la part belle à ces monstres d'un autre temps. Il est vrai que leur taille, leur morphologie et la terreur qu'ils inspirent n'ont jamais cessé de stupéfier les cinéastes et d'enflammer leur imagination !  Pouvoir imaginer comment les hommes et les dinosaures se seraient affrontés, s'ils avaient réellement coexisté, a toujours été pour eux, une source d'inspiration. Comme si la confrontation de ces deux espèces évoluant au sommet de l'échelle du vivant, faisait forcément surgir nos plus folles angoisses...

The Monster from Beneath the Sea, a coûté la modique somme de 200 000 dollars. Les producteurs Jack Dietz, et  Hal Chaster se sont adjoint les services de Ray Harryhausen, aux dépens du trop onéreux Willis O' Brien  pour les effets spéciaux. Celui qui deviendra le maître incontesté de la Stop Motion vient de faire des débuts prometteurs en 1949 dans Mighty Joe Young de Ernest B. Schoedsack, en tant qu’assistant de Willis O'Brien. C'est un Ray Harryhausen certes débutant, mais qui s'emploie plutôt bien à donner vie à un dinosaure imaginaire, curieux mixte entre un T-Rex et un crocodile !  






Baptisée Redhosaure, cette bête des temps primitifs en hibernation, longtemps emprisonnée des glaces arctiques, est brusquement tirée de son sommeil par une explosion nucléaire. Et autant dire qu'elle est furibarde d'avoir été dérangée et que sa colère sera terrible. 
Certes, les effets spéciaux peuvent paraître grossiers à l'ère du tout numérique. Ray Harryhausen utilisa pour la première fois un procédé appelé Dynamation en intégrant une figurine miniature, en l'occurrence un dinosaure en mousse de latex, animé en stop motion, image par image, dans des prises de vues réelles. Grâce à un astucieux système de cache et de rétroprojection, l'illusion est presque parfaite. Bien sûr, même si la technique n'en est qu'à ses balbutiements, Ray Harryhausen n'aura de cesse de l'affiner et de la perfectionner tout au long de son œuvre. Malgré une démarche saccadée, le saurien donne ainsi vraiment l'impression d'évoluer dans des décors réels. Même s'il ne laisse transparaître aucune émotion, le voir déambuler dans les rues de New Yorkdans une foule en panique, écrasant tout sur son passage et croquant un peu de chair humaine, garde pour moi un charme jubilatoire…


Une dentition au poil pour un menu avalé à la hâte.




Si le tournage de film prend une quinzaine de jours, il faudra à Ray Harryhausen près de sept mois pour venir à bout des effets spéciaux, ce qui donne la mesure du travail exigé... 


Une fois le film dans la boîte, les producteurs décidèrent de le revendre, moyennant 450 000 dollars, à Warner Bros, afin de lui accorder une plus large diffusion. Mais, en changeant de main, le film changea aussi de titre, et The Monster from Beneath the Sea se transforma en The Beast from 20,000 Fathoms. L’opération financière rapporta 450 000 dollars, mais fut loin d’être une bonne affaire étant donné le succès que le film rencontra auprès du public. 5 millions de dollars dans les caisses en un an ... ! Plutôt pas mal pour un film au budget si serré !

Dans The Beast from 20,000 Fathoms, on retrouve ce qui fait le sel des films de science-fiction des années 50 : la peur de l'arme atomique, symbole d'un monde que l'homme a soudain le pouvoir de faire sombrer dans l'Apocalypse. Cette tension et cette angoisse, bien réelles, ont donné lieu à une pléthore de films mettant en scène un monde ravagé par des catastrophes, un monde subitement et gravement chamboulé par l'apparition soudaine de monstres antédiluviens, semant le chaos et la terreur. Tous ces films sont évidemment  une représentation cinématographique de nos peurs primales, une métaphore de nos peurs inconscientes, que l'imminence d'une catastrophe nucléaire a naturellement aiguisées. 

Le film s'inspire d'une nouvelle de Ray Bradbury, La Corne de Brume, magnifique histoire de dinosaure marin solitaire, surgi des abysses de l'océan, et éperdument attiré par la plainte sonore que la corne de brume d'un phare émet régulièrement. Cette histoire de dinosaure amoureux d'une corne de brume, racontée par un vieux loup de mer, regorge de poésie. Cet océan mystérieux et primitif nappé de brouillard laisse planer comme un étrange et captivant parfum. Et dans sa solitude, la vieille bête, rescapée des temps immémoriaux, semble magnétiquement répondre aux mugissements du phare, ces derniers résonnant comme autant d'appels amoureux, auxquels la pauvre bête s'évertue à répondre dans un dialogue aussi mystérieux que désespérément entêtant. L'écriture et l'univers de Ray Bradbury sont d'une expressivité visuelle saisissante, mais le film d'Eugène Lourié ne retiendra finalement de la nouvelle de Ray Bradbury que le tableau spectaculaire d'un dinosaure assaillant de rage un phare pour le détruire. 


Superbe illustration de James R. Bingham figurant dans The Saturday Evening Post en 1951, lors de la publication de La Corne de Brume de Ray Bradbury. 







       


La même scène reprise dans Le Monstre des temps perdus à l'esthétisme raffiné. La lumière blafarde du phare découpant la silhouette du saurien dans un saisissant jeu d'ombre chinoise.

C'est une vision certes spectaculaire, qui frappe au plus haut point l'imagination, mais 
la Corne de Brume est, à mon sens, bien plus qu'une nouvelle fantastique. C'est un poème philosophique sur les espoirs déçus de la vie, de l'amour, et sur les ténébreuses et destructrices aspirations de la passion amoureuse.
Publiée en 1950, la Corne de Brume marque pour Ray Bradbury un changement radical dans son existence, car ce sont les dinosaures qui le motiveront à devenir écrivain et le porteront jusqu'à la reconnaissance de ses pairs. 




Bonus :


Vidéos :

- Ray Harryhausen et Ray Bradbury, animés tous les deux du même amour pour les dinosaures, donnent une conférence devant un auditoire chanceux et captivé. J'ai été séduit et subjugué par l'incroyable faconde de l'écrivain, jamais à court d'anecdotes et d'humour, pour faire revivre cette époque lointaine. Ray Bradbury, en chaise roulante, est intarissable, et son bagout fait merveille. Il faut l'entendre parler de sa rencontre étonnante avec le producteur Jack Dietz  Celui-ci avait déjà élaboré un scénario à partir de l'image saisissante d'un dinosaure s'attaquant à un phare, illustrant la propre nouvelle de Ray Bradbury publiée dans The Saturday Evening Post ! Ce qui n'échappa pas à Ray Bradbury qui fit élégamment remarquer à ce producteur, qui voulait avoir son avis sur cette ébauche de scénario, qu'on ne lui avait pas demandé l'autorisation d'utiliser sa nouvelle à des fins commerciales (un comble !) et que pour une collaboration plus avancée, il serait tout de même bon de s'acquitter des droits d'auteur qui lui reviennent…
Les deux Ray, complices et amis dans la vie, partagent la même passion pour les dinosaures, et si l'un a pris la voie de l'animation et du cinéma, l'autre a choisi la littérature pour redonner vie à ces anciennes créatures disparues.
Leur complicité  ne s'estompera jamais au fil des décennies, même si The Beast from 20,000 Fathoms  restera le fruit de leur unique et éclatante collaboration.  
Nos deux compères n'oublient pas de nous livrer au passage le secret de leur amitié  : avoir grandi sans avoir "réellement" grandi, être restés d'éternels et grands enfants... (Remux Blu-Ray -HD - VOSTFR - 17mn)

- Ray Harryhausen (Remux Blu-Ray - HD - VOSTFR - 6mn)

- Ray Harryhausen (Remux Blu-Ray -HD - VOSTFR - 1mn)
  
- Science-fiction et paranoïa : la culture de la peur aux États-Unis. (HDTV - 2010 - 53 mn)  Le cinéma américain vu à travers le prisme de la peur.



Livres et Revues :


- La Corne de Brumede Ray Bradbury. Une immersion enivrante dans l'univers fantastique de Ray Bradbury. Extrait de Histoires de Dinosaures, édité chez Gallimard Jeunesse.2004. (PDF-10p)


- Positif n°249. Décembre 1981. (PDF - Extraits - 11p) Au terme de sa longue et riche carrière cinématographique, Ray Harryhausen, interviewé ici par Alain Garsault et Hubert Niogret, révèle ses principales influences qui ont déterminé l'évolution de son cheminement artistique. Ainsi rend-il hommage à Willis O'Brien, son mentor, et à Gustave Doré, dont les illustrations, aux éclairages fascinants, n'ont jamais cessé de l'émerveiller. Il s'explique aussi sur ses méthodes de travail artisanales, en mettant en avant son sens aigu de l'économie et de la simplicité. C'est un principe dont il ne se départit jamais, et qui l'amène à chercher toujours plus de solutions pragmatiques et inventives. À l'image de sa pieuvre à six tentacules, au lieu des huit habituels, créée pour le film, le Monstre vient de la mer. En faisant l'économie de deux tentacules, sans éveiller le moindre soupçon chez le spectateur, Ray Harryhausen se dispense ainsi d'un grand nombre de plans à animer en stop motion, réalisant du même coup, des économies de temps et de budget. Dans le même ordre d'idées, l'utilisation de figurines miniaturisées s'explique parce que des objets trop grands rendent leur manipulation trop difficile et trop coûteuse. Ray s'est donc appliqué à ne rien construire de superflu, à la fois pour des raisons artistiques et budgétaires. Cette exigence, à laquelle il s'est astreint, a de quoi laisser aujourd'hui rêveur, quand on voit les sommes astronomiques allouées à certains films...  







 
                                                             


-L'Écran fantastique n°204. Ray Harryhausen. L'homme qui illustra mythes et légendes. (PDF - Extraits - 6p ) 







                                         


                                                              
                                                              

-L'Écran fantastique n°350. Evolution la Préhistoire de Ray Harryhausen. (PDF - Extraits - 3p)

                                          


                                           



-L'Écran fantastique n°303. Un magicien nommé Ray Harryhausen de Pascal Pinteau(PDF - Extraits - 7p)








            


Radio : 


-Âges sombres et salles obscures. ( France Culture - Flac - 52mn) Comment le cinéma de science-fiction des années 50, avec ses monstres terrifiants, s'est fait l'écho de nos peurs, engendrées par l'apparition des armes nucléaires et de leur pouvoir de destruction. Avec Fabien Mauro, spécialiste du cinéma de SF japonais.



Liens  : 


Le Monstre des Temps perdus :  MOperdu

( Remux  Blu-Ray - Multi )


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