samedi 17 avril 2021

À Bertrand Tavernier

La nouvelle est tombée à la radio le 25 mars 2021, comme un couperet. Bertrand Tavernier nous a quittés. À 79 ans. J'ai ressenti, sur le coup, une peine immense et un vide insensé, comme si une partie de moi s'était brusquement arrachée. Et j'ai pensé combien je détestais cette formule lapidaire, banale, impropre. Non, mon cher Bertrand, vous ne nous avez pas quittés, vous avez disparu, pour rejoindre cet espace mystérieux, inconnu, qui nous attend tous un jour. Mais vous ne nous avez pas quittés. Vous êtes et resterez présent avec nous, pour longtemps encore. Et vous resterez toujours bien présent dans mon cœur, avec votre éternel sourire en coin, si charmant, si troublant. Pour les hommages, d'autres le feront mieux que moi. Je ne vous ai jamais rencontré, à mon grand regret. Pourtant, je ne saurais dire combien vous m'avez intellectuellement structuré, combien votre esprit critique a été pour moi un parangon de rigueur. Votre culture encyclopédique m'a ouvert des horizons insoupçonnés, et j'ai, grâce à vous, foulé des terres inconnues, découvrant des pans entiers de notre patrimoine cinématographique, des noms dont je n'avais jusque-là jamais entendu parler : Jean GrémillonAndré Cayatte, Edmond T. Gréville, Henri Calef, et bien d'autres encore.

Bien sûr, comment ne pas évoquer "votre" voyage cinéphilique, introspection inédite, méditation intemporelle, traduisant tout l'amour que vous portez pour une famille d'hommes et de femmes qui auront laissé leur empreinte sur votre parcours, vos sentiments, votre vie. Un travail personnel de toute une vie, fait d'explications lumineuses et de réhabilitations étonnantes. Un travail d'explorateur de l'âme humaine qui jette un regard novateur sur notre patrimoine cinématographique. Ce regard, c'est le vôtre, et il est essentiel. 

Je parcourais régulièrement votre blog, sans participer toutefois aux débats joyeusement animés par des esprits érudits, toujours prompts à partager leur amour du cinéma. Jusqu'au jour où le désir impérieux s'est imposé à moi avec force pour vous écrire. Il fallait que je vous dise combien je vous appréciais, et ce besoin viscéral, d'une urgence extrême, répondait à une nécessité intérieure que je ne m'expliquais pas. Je crois juste qu'il est important de dire à ceux pour lesquels vous avez de l'estime et de l'admiration, combien vous aimez leur travail, ce qu'ils font, ce qu'ils sont. J'ai donc pris ma plume pour vous écrire, en jetant sur papier, un peu maladroitement sans doute, tous les sentiments que vous m'inspirez. Mais cette missive, écrite avec les mots du cœur, vous l'avez publiée sur votre blog, et je n'oublierai jamais à quel point cet événement anodin pour vous, m'a rempli d'une joie indicible, inoubliable.

Aussi étrange que cela paraisse, je suis venu vers vous, non pas grâce à vos films, que je découvrais plus tard, mais par l'acuité de votre regard que vous posiez sur les films des autres. Car, mon cher Bertrand, vous avez l'œil affûté pour voir, déceler, décortiquer, ce que nous, simples spectateurs, ne voyons pas. Il m'est ainsi arrivé de redécouvrir certains films grâce à votre œil avisé.

J'ai relu avec émotion votre dernière chronique, dont les mots prennent une saveur inhabituelle, c'est vraiment déchirant de vous entendre parler une dernière fois, mais vous êtes encore là, bien présent, mon cher Bertrand, je tenais quand même à vous le dire une dernière fois, parce que je vous aime, tout simplement.

Kermite.



















Sur le site Dvdclassik : 

Hommage à Bertrand Tavernier