dimanche 24 novembre 2019

Blonde Crazy 1931 - Roy Del Ruth VOSTFR





Synopsis : Bert, (James Cagney) use de tout son pouvoir pour essayer de faire entrer Anne Roberts (Joan Blondell) en tant que femme de chambre dans l'hôtel où il travaille, et essaye d'user de tous ses charmes pour la séduire, mais ce n'est pas gagné...  





Les années qui ont suivi la Grande Dépression semblent avoir plongé la grande Amérique dans un sentiment d'urgence qu'elle n'avait jamais connu jusque-là. Le pays se doit de sortir de l'abîme béant qui s'ouvre devant lui. C'est une question de survie. Le même sentiment d'urgence parait imprégner la production cinématographique de l'époque. (18 films tournés par William A. Wellman entre 1930 et 1934…! ) Ainsi, au début des années 30, la Warner Bros imposait aux acteurs un rythme de travail effréné et une cadence de folie. Pour la seule année 1931, James Cagney joue dans plus de 6 films, avec des conditions de travail éprouvantes, contre lesquelles l'acteur ne cessera jamais de s'élever.
En 1931, James Cagney en est à ses débuts au cinéma, pourtant, depuis la sortie de Public Enemy, de William A. Wellman, il est déjà une vedette consacrée, grâce à son rôle de gangster psychotique, auquel le public, en pleine période de prohibition, s'identifie totalement.
À son crédit, un jeu dynamique et alerte. Du rythme dans ses mouvements, ses déplacements. Son débit verbal est impressionnant. James Cagney est une boule d'énergie qui insuffle à ses personnages un incroyable sentiment de vie, une vitalité à toute épreuve. Voilà qui explique, en partie, les raisons de son succès. Ses interprétations offrent un contrepoint magistral à l'inflexible morosité ambiante et aux spasmes de la crise économique.

La même année, il est en tête d'affiche avec Joan Blondell dans Blonde crazy, de Roy Del Ruth, dont la carrière aux débuts des années 30 est déjà presque à son apogée. C'est en effet au cours de cette décennie qu'il réalise sans doute ses meilleurs films. Le Faucon Maltais, Taxi! Employée’s Entrance, The Mind Reader ont été réalisés juste avant l'application du fameux Code Hayes en 1934. L'appellation de film Pré-Code est trompeuse, et même incorrecte, car les films qu'on a appelé plus tard Pré-Code, ne sont pas ceux qui  ont été réalisés avant l'instauration du Code Hays en 1930. Ce sont précisément ceux qui ont vu le jour entre le moment où le Code Hays a été rédigé en 1930 (un code souvent ignoré et peu appliqué dans l'ensemble) et celui où, sous la pression des milieux catholiques, des Évêques, et du très puritain Joseph Breen, il a été fermement et scrupuleusement appliqué à partir de 1934.

L'apparition du Code Hays ne signifiait pas qu'il n'existait pas de censure auparavant. Ce qu'il faut savoir, et c'est assez paradoxal, c'est qu'il n'existait aux États-Unis aucune censure fédérale, chaque État disposant de ses propres groupes de pressions associatifs et religieux. Mais les scandales sexuels répétés du début des années 20, touchant certaines stars du cinéma muet, ont obligé l'industrie du cinéma à établir une sorte de Charte morale valable pour tous les États. Car un boycottage massif des films par le public, impulsé par des ligues de vertu, pouvait tout simplement aboutir à la mort de cette industrie naissante. Hollywood pouvait y laisser sa peau.
Voilà pourquoi Will H. Hays a été nommé en 1922 à la tête de la MPPDA (Motion Picture Producers and Distributors of America) et chargé d'établir les prémisses d'une véritable autorégulation, de mettre un peu d'ordre moral dans la production des films. Une tâche rendue ardue par le fait que chaque État disposait de sa propre conception de la moralité, et que ce qui était permis et toléré chez l'un, pouvait ne pas l'être du tout chez un autre. Ce qui explique pourquoi les studios pouvaient réaliser des copies différentes d'un même film, d'une même scène, suivant l'État où elles étaient destinées et distribuées.


En tout cas, juste avant l'arrivée du parlant, une série de règles furent instituées, édictées par les instances du cinéma, sous le nom de "Don'ts and be carefuls", liste édifiante d'interdits visant à montrer tout ce que les studios et réalisateurs ne devaient pas faire. Elle avait pour but de mettre en exergue des principes de conduite et des règles de la morale bien définis. Bien trop concise, elle ne pouvait pas être respectée au pied de la lettre. Ces interdits furent pourtant intégrés dans le fameux Code Hays, qui fut définitivement appliqué en 1934, sous la pression des milieux catholiques, ces derniers n'ayant pas hésité à faire un véritable chantage aux producteurs, en leur faisant comprendre que s'ils ne se pliaient pas à leurs exigences, un boycott général de leurs films risquerait de leur faire perdre beaucoup d'argent. Une campagne des évêques a été orchestrée auprès du public et la montée au créneau de plusieurs cardinaux a mis du poids dans la balance. La puissante Ligue Catholique pour la vertu recueille la signature de près de 5 millions de fidèles sous la forme d'un serment d'allégeance ! Devant la menace exhibée d'un boycott national, les dirigeants de l'Industrie du cinéma cédèrent aux coups de boutoir de la Ligue...

Et pourtant, ces films réalisés entre 1930 et 1934, qu'on a appelés après coup, Pré-Code, sont d'une audace inouïe. Leur liberté de ton peut laisser pantois, les sujets abordés sont parfois d'une crudité déroutante, et les sous-entendus sexuels jubilatoires ! Mais cette «parenthèse enchantée», expression récusée par certains historiens, fut malheureusement trop brève. Sentant que les choses n'allaient pas durer éternellement, et que le vent allait forcément tourner, les réalisateurs se sont jetés à corps perdu dans la création…. Une urgence créative qui a vu une profusion d'œuvres pour une si courte période.
On retrouve dans Blonde Crazy tous les ingrédients qui font le charme et la force des films Pré-Code. Dialogues salaces et sous-entendus graveleux, vulgarité assumée, cynisme des situations, liberté sexuelle au sein du couple…
Blonde Crazy est une comédie pétillante et immorale. Roy Del Ruth prend un malin plaisir à nous dépeindre un petit couple d'escrocs à la petite semaine, obnubilé par l'appât du gain. Mais ce couple d'escrocs formé par James Cagney et Joan Blondell fonctionne à merveille. Dès leurs premières escarmouches, on sent que ces deux-là iront loin ensemble. Et d'ailleurs, leur entente est si flagrante, qu'ils continueront de jouer encore, dans près de cinq films….
Joan  Blondell se distingue par son sens de la répartie, sa fraîcheur, et au final, le film de Roy Del Ruth est une  belle réussite.

Bonus Personnels :

- Extrait des Cahiers du Cinéma (décembre 2013 - PDF - 13p) un dossier consacré aux films Pré-code avec des portraits de Barbara Stanwyck, Mae West et Jean Harlow, complété d'un article consacré au réalisateur William A. Wellman. L'étude est soignée, mais on sent poindre chez leurs auteurs une volonté de mettre le holà à certaines idées reçues liées aux films de cette période. 

- Un article d'introduction aux Films Pré-Code signé Hélène Frappat figurant dans le livret Forbidden Hollywood, consacré aux trésors de la Warner sortis en DVD. ( PDF - 2p)

- «Forbidden Hollywood» (PDF-7p) est un article écrit par Frédéric Cavé dans la revue 1895  (1er décembre 2014). C'est une réponse cinglante aux allégations d'Hélène Frappat plaçant les Films Pré-Code sur le terrain du féminisme. Si Frédéric Cavé semble relativiser la portée des films Pré-Code, et leur pouvoir subversif, en insistant sur le fait que, finalement, les thématiques abordées par les Films Pré-Code, l'étaient déjà au temps du muet, (ce qui en soi ne détermine en rien de la subversion d'une œuvre, car celle-ci dépend peut-être moins du contenu que de la manière de traiter un sujet...)  l'auteur omet un fait essentiel, qui bouleversa le cinéma dans ses règles et ses fondements : l'apparition du parlant, qui opéra une refonte complète du cinéma, de sa façon de l'appréhender. Son pouvoir de subversion prit un nouveau visage…

-  Le Code Hays. L'autocensure du cinéma américain par Francis Bordat, historien du cinéma américain. Un article passionnant, extrait de Vingtième Siècle, revue d'histoire, parue en juillet 1987. L'auteur y fait le récit de l'étonnante histoire du Code Hays. (PDF - 15p)

Les films Pré-Code de la Warner (1930-34) (France Culture-FLAC-31 mn). Les critiques de cinéma, Philippe Rouyer et Jean-Baptiste Thoret, esquissent les grandes lignes du cinéma Pré-Code à travers des exemples précis de films d'Alfred Green,  William A. Wellman et Frank Lloyd.

Forbidden Hollywood : les films de  l'ère Pré-Code. (France Inter-51mn-FLAC) Philippe Rouyer toujours à l'œuvre dans l'intérêt porté aux films Pré-Code.
- Bande-annonce du film en VO ( MKV - SD-3mn)

Puisé dans des revues d'époque qui n'évitent pas les potins, (ah la rubrique faire-part...) mais réussissent à brosser un portrait attachant de Joan Blondell :

Pour Vous n°183 (19 Mai 1932 - PDF - 1p)
Pour Vous n°307 (4 Octobre 1934 - PDF - 1p)
Cinémonde n°325 (janvier 1935 - PDF- 2p)

PS: le DVD d'origine est en VO, ajout des sous-titres en fr (en jaune ou blanc) synchronisés par mes soins.
J'attends toujours la traduction de l'autobiographie de James Cagney, (Cagney by Cagney), parue déjà, il y a plus de 40 ans... C'est vrai quoi, nous les gueux européens, on a envie de se cultiver... Ce serait bien que nos amis américains le sachent...!

Kermite.  

Lien :  
https://1fichier.com/?ja0bjel82d6m5xh124ul




lundi 11 novembre 2019

Jazz at the Philharmonic,the beginning 1944





Si on m'avait dit qu'un jour, j'écouterais du jazz et que pire, je finirais par aimer cette musique, je l'aurais regardé de travers et répondu de mon air le plus snob : quoi, moi, écouter cette musique d'intello, ses solos interminables à vous ramollir le ciboulot ? Non merci, je passe mon tour.
C'était sans compter sans la persévérance d'un ami qui m' a pris au dépourvu et passé par surprise un drôle de disque sur sa platine. Un truc des années 30, avec trompettes et orchestre, mais pas le genre musette et plan-plan, c'était incroyablement rythmé, tonique, dansant, swinguant. J'écoutais ébahi, merde alors, c'était donc ça le jazz ? Le disque était l'œuvre d'un certain Duke Ellington. Voilà comment tous mes préjugés ont depuis ce jour-là volé en éclats. Je suis devenu un vrai mordu de swing, amoureux d'une époque follement insouciante, qui prenait plaisir à s'amuser. Pourtant, à y regarder de plus près, la réalité était loin d'être rose. La Grande Dépression étant passée par là, avait plongé l'Amérique dans une faillite économique et humanitaire vertigineuse. Les émeutes de San Francisco en 1934 nous rappelaient que les gens n'avaient plus rien à becqueter dans leur auge. Il suffit de voir certains clips musicaux réalisés au cours des années 30, c'est édifiant. La nourriture était obsessionnelle... Les gens crevaient la dalle et leur seule véritable obsession, c'était bouffer...

Et pourtant le swing brille par son optimisme à tous crins. Pour oublier toute cette misère, on s'éclate au rythme des Big Bands, dans les Dancings, où des battles de danse acrobatique s'improvisent dans une euphorie galvanisante. L'âge d'or du swing, c'est ce concert historique au Carnegie Hall en 1938, réunissant l'espace d'une soirée, et sous la coupole d'un Benny Goodman inspiré, la crème des musiciens de jazz: Count Basie, Lionel Hampton, Cootie Williams, Buck Clayton, Harry Carney .... Malheureusement, l'arrivée du Bebop  pendant la guerre met un terme à la folle épopée du swing. Clap de fin. Ainsi en va-t-il des courants musicaux, ils viennent comme ils disparaissent...







Une bande de jazzmen transforme le 2 juillet 44 la salle du Philharmonique de Los Angeles, réservée aux concerts classiques, en chaudron explosif !


Réalisé le 2 juillet 1944, Jazz at the Philharmonic est le premier concert d'une longue série, produit par Norman Granz, passionné de jazz, et doté d'un brillant sens des affaires. C'est une jam-session dans la grande tradition du jazz. Habituellement réservée au Philharmonique de Los Angeles, cette salle réunit pour l'occasion une sacrée palette de musiciens. Avec, au piano, le grand Nat King Cole, surtout connu pour sa voix de crooner qui fera sa célébrité dans les années 50. Il a été et restera, un fabuleux pianiste. Ses arabesques et son jeu cristallin me fascinent. Il a un don pour aller au plus simple, au plus concis. Dans Blues, ses envolées lyriques exhibent des moments d'une délicieuse espièglerie enfantine. Avec le guitariste Les Paul, il nous offre un duo mémorable, d'une fantaisie bondissante et pleine d'humour.
À la contrebasse, 
Red Callender et Johnny Miller tricotent leur gamme en se marrant comme des fous. Alors que Gene Krupa et Lee Young, frérot du grand Lester, sont aux baguettes. Celui qui met le feu à son saxo, c'est Illinois Jacquet. Profession pyromane. Un incendiaire d'une puissance explosive qui démarre au quart de tour !
Tout ce beau monde prend un pied immense à jouer, et déborde d'une énergie folle.
Le résultat : un feu d'artifice musical déployant un concert de notes en feu et livrant une musique en bâtons de dynamite.
Si avec tout ça, vous n'avez pas des fourmis dans les jambes, échangez d'urgence vos semelles de plomb contre une paire d'espadrilles.


Kermite. 





1 CD FLAC

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