Appelés ainsi parce que naviguant en meutes, les Loups gris, qui ont longtemps semé la terreur dans les océans, exercent encore de nos jours une étrange fascination. Il est frappant de constater combien les épaves de sous-marins allemands semblent interpeller, interroger, non seulement les historiens désireux de mieux appréhender certains épisodes encore méconnus de la Seconde Guerre mondiale, mais aussi des curieux, des chercheurs passionnés, qui, mus par une volonté infaillible, entreprennent de retrouver ces carcasses éventrées et rouillées, tapies au fond des océans. Ces cimetières marins sont comme autant de lieux sacrés, mémoires vivantes d'un passé qui semble soudain prendre chair et nous interroger.
Après l'armistice du 8 mai 1945, ordre avait été donné de faire disparaître les U-Boots en les sabordant. C'est l'opération Deadlight. Qui peut, peut-être, se comprendre comme la volonté d'en finir définitivement avec le fer de lance de la Kriegsmarine, afin d'enfouir à jamais dans les profondeurs océaniques, ce qui a fait la puissance meurtrière et destructrice d'une arme au service de l'Allemagne hitlérienne.
Il y a 75 ans, on détruisait les U-Boots, aujourd'hui, dans une démarche inverse, on les remet à l'honneur en essayant de les retrouver, et en établissant une cartographie de leur lieu de naufrage. Les océans regorgent d'épaves oubliées qui racontent chacune une histoire, et des recherches sont faites pour les localiser, retracer leur itinéraire, reconstituer leurs missions, évaluer leur rôle stratégique dans la guerre. Grâce à l'intérêt historique qu'on leur porte, on les fait revivre une deuxième fois. Comme un devoir de mémoire. Ou comme un ultime adieu, en hommage aux marins disparus.
Enfant, parce que la question de la mort m'obsédait, je me souviens m'être interrogé sur le sort des corps des marins prisonniers dans la coque. Comme une question lancinante émergeant en filigrane, cette énigme me tourmentait au plus haut point. Qu'advenait-il exactement, réellement, des corps ? Étaient-ils encore présents dans le sous-marin, ou du moins dans ce qu'il en restait ? Ou la mer les avait-elle engloutis comme une ogresse ? Cette incertitude, comme un tabou, laissait planer un flou, une incertitude.
La présence physique de morts dans les sous-marins naufragés éveillait en moi les pensées les plus troublantes. Quand je compris, enfin, que les épaves pouvaient se figer en tombeaux maritimes, je les considérais d'un autre œil : elles s'auréolaient subitement d'un voile sacré, se paraient d'une puissance émotionnelle que font naître les tragédies humaines. Derrière ces parois d'acier, il y a des hommes, qui reposent là, dans l'immensité des océans, pour l'éternité.
Et c'est vrai qu'en voyant ces épaves gisant au fond des mers, j'ai toujours éprouvé une indicible compassion mêlée de respect pour ces hommes qui, dans leurs derniers instants, ont livré un ultime combat contre la mort. Prisonniers de ces monstres d'acier en déperdition, ils n'avaient que leur courage à opposer à la fatalité de leur sort. Qu'ont-ils éprouvé dans leur lente agonie, quelles ont été leurs dernières pensées ? En découvrant ces épaves sous-marines, je ne puis m'empêcher de penser à eux, à leur calvaire, à leur mort.
Et je ne suis pas loin de croire que ces chercheurs d'épaves, plongeurs adeptes de l'archéologie maritime, entreprennent bien plus qu'une simple recherche à visée historique. Je perçois leur démarche comme une quête spirituelle, au cœur de laquelle se construit une connaissance fondée sur le besoin viscéral d'affronter la finitude de notre condition humaine.
& &
&
C'est donc une immersion dans l'histoire que nous propose le documentaire d'Oliver Halmburger. C'est une de ces nombreuses histoires anonymes qui ont parsemé le conflit mondial qui nous est ici contée. Ces épaves font revivre des histoires tragiques, où des hommes ont perdu la vie dans le drame de la guerre. Je ne suis pas un passionné des armes, ni des batailles navales, mais j'ai pour les sous-mariniers et leur univers une profonde attirance. Ils constituent, à mes yeux, tant par leurs conditions d'existence exécrables, que par le lien indéfectible qui unit l'équipage, une source d'admiration.
L'U-513, sous-marin de type IX C à long rayon d'action, avait pour mission de rejoindre le Brésil, passé depuis 1942 dans le camp des Alliés, et de naviguer aux larges de ses côtes afin d'y torpiller les navires marchands alliés.
Il réussit l'exploit de couler en 1943, 4 bateaux, et d'en endommager un sérieusement, à une époque où l'aviation et la marine Alliées avaient le dessus sur les U-Boots allemands. Son histoire s'achève le 19 juillet 1943, quand l'U-513 finit par être coulé par les grenades anti-sous-marines d'un hydravion américain.
- L'affaire du Laconia, de Léonce Peillard. ( PDF - les 41 premières pages)
- La tragédie du Laconia, par Alain Decaux. (Vidéo INA - MPA - 30mn)
Il réussit l'exploit de couler en 1943, 4 bateaux, et d'en endommager un sérieusement, à une époque où l'aviation et la marine Alliées avaient le dessus sur les U-Boots allemands. Son histoire s'achève le 19 juillet 1943, quand l'U-513 finit par être coulé par les grenades anti-sous-marines d'un hydravion américain.
Le commandant de l'U-513, Friedrich Guggenberger survit par miracle au naufrage du sous-marin. Par la suite, son avenir suivra une étonnante et singulière trajectoire. Recueilli et fait prisonnier par les Américains, il sera ensuite enfermé dans une prison en Arizona, mais réussit l'exploit de s'évader par un tunnel creusé sous terre ! Repris, il réussira à s'évader une seconde fois, pour être de nouveau repris, à quelques kilomètres de la frontière mexicaine ! Il sera libéré en 1946, et finira par rejoindre l'Allemagne et la Bundesmarine en 1956. avec un poste de contre-amiral pour le compte de l'OTAN ! Un bel exemple de reconversion... ! Il meurt d'une façon pour le moins mystérieuse en 1988.
En deux parties, ce documentaire d'Edward Hart nous offre une plongée au cœur de la Bataille de l'Atlantique. Plus précisément à Derry-Londonderry, petite ville d'Irlande du Nord qui offrait aux Alliés, par sa position géographique, un pied à terre éminemment stratégique. C'est ici que les Américains firent construire, au début de l'année 1941, alors qu'il ne sont pas encore entrés en guerre, une base navale secrète, devenue l'un des centres névralgiques à partir desquels furent dirigées les futures batailles maritimes. Certes, le documentaire ne se veut pas exhaustif, la guerre des communications étant trop peu abordée, mais il offre un bel aperçu de ce que fut la bataille de l'Atlantique.
- L'affaire du Laconia, de Léonce Peillard. ( PDF - les 41 premières pages)
Grâce aux archives des pays concernés et aux témoignages des survivants, Léonce Peillard reconstitue le fil des événements dans un récit haletant. Un grand livre rendu possible grâce à des investigations fouillées. Du Grand-amiral Karl Dönitz au dernier gardien polonais encore vivant chargé de surveiller les prisonniers italiens dans les cales du Laconia, l'éventail des témoins interrogés ne laisse rien au hasard et participe à la véracité du récit.
- La tragédie du Laconia, par Alain Decaux. (Vidéo INA - MPA - 30mn)
Alain Decaux, qui s'est en partie appuyé sur les travaux de Léonce Peillard, raconte avec sa verve habituelle, et son sens du détail historique, le drame du Laconia, paquebot anglais transportant des troupes britanniques et des prisonniers italiens, torpillé par un sous-marin allemand, l'U-156, commandé par Werner Hartenstein. Ce n'est qu'en 1959 que les américains, sous la pression de Léonce Peillard qui enquêtait sur le drame en interrogeant tous les protagonistes de cette tragique histoire, firent cet aveu cinglant : c'était bien un Liberator B-54 qui avait, le 16 septembre 1942, attaqué et bombardé
l'U-156, alors que celui-ci avait sur son canon le pavillon de la Croix-Rouge, et remorquait des canots remplis de prisonniers italiens...
Une responsabilité reconnue bien tardivement pour un acte qui interroge encore 80 ans après...
- Extrait de Alain Decaux raconte : le drame du Laconia. (PDF - 11p)
- Los! (N°34 - extraits) Le crépuscule des loups gris, par Xavier Tracol. (PDF - 8p)
- Los! (N°4 HS - extraits) L'arme de Dönitz. (PDF - 8p)
- Los! (N°38 - extraits) Le torpillage du Laconia, par Loïc Becker. (PDF - 10p)
- Sous-marins : l'imaginaire des profondeurs. (Flac - France Inter - 59 mn)
Interviewé par Jean-Noël Jeanneney, Jean Préneuf, maître de conférences en histoire contemporaine et spécialiste de l'histoire navale, nous offre une passionnante histoire du sous-marin, depuis sa conception dans l'imaginaire des hommes, jusqu'à son rôle stratégique dans les guerres navales et la dissuasion nucléaire. Le tout agrémenté d'archives sonores.
Du Nautilus de Jules Verne aux réalisations plus contemporaines, telles que Le Redoutable, nous voilà donc immergés, par-delà le récit historique et littéraire, dans les profondeurs de la Psyché humaine, tant cette étrange machine de guerre défiant les limbes de l'océan, exerce encore sur nos imaginations un irréfrénable sentiment de fascination.
Je tiens juste à rectifier une erreur (sans doute une confusion) faite par Jean-Noël Jeanneney, et non rectifiée par Jean Préneuf, à propos de l'attentat manqué du 20 juillet 1944 en Allemagne, au terme duquel il est dit que Karl Dönitz deviendrait Chef d'État. C'est évidemment faux, car c'est à Carl Goerdeler, anciennement maire de Leipzig, que serait échu le poste de Chancelier, si l'attentat avait réussi.
- U-455, le sous-marin disparu. (Remux DVD-53mn-MKV)
Encore une histoire de sous-marin allemand disparu tragiquement pendant la Seconde Guerre mondiale. Les chercheurs et historiens auront bien du mal à l'identifier. Visuellement, la position du sous-marin a de quoi surprendre, et laisse imaginer la tournure tragique que les événements ont prise : planté en mer Méditerranée, dans le Golfe de Gênes, il se dresse à 45 degrés, la proue vers le haut et gît par 120 mètres de fond. Une drôle de position qui ne manque pas de susciter l'étonnement. Les plongeurs vont avoir fort à faire pour retrouver le numéro de série du sous-marin, tant le submersible, enchevêtré dans des filets de pêche, reste inaccessible. Mais, aidé par des historiens, les recherches pour l'identifier vont s'avérer finalement payantes.
Toute l'histoire de cet U-Boot sera ainsi mise au jour, au même titre que l'étonnante explication de son naufrage. Retrouvées dans les Archives militaires allemandes, des photographies prises clandestinement à bord de l'U-455 par l'un des sous-mariniers, sont comme autant d'instants volés au temps. Les souvenirs d'une guerre s'étalent dans un vieil album de famille et font revivre cette époque sous nos yeux.
Chose incroyable, on finit par dénicher, après une enquête minutieuse, deux survivants ayant combattu sur l'U-455, et dont les témoignages sont empreints d'une réelle émotion. Leur présence apporte une tonalité et une saveur particulières. C'est à mon sens, la partie la plus passionnante du documentaire. Elle jette une lumière sans fard sur les conditions de vie, difficiles, à bord du sous-marin, ainsi que sur les exigences d'une guerre navale dont les marins n'avaient qu'une vue parcellaire. Mais par-delà l'intérêt historique, la force de leur témoignage se mesure aussi au regard qu'ils portent aujourd'hui sur cette guerre, et aux sentiments qu'elle a fait naître en eux, et qui peuvent parfois aller contre des idées reçues. Ainsi, certains sous-mariniers allemands, loin de jubiler à chaque navire ennemi torpillé, pouvaient-ils s'émouvoir du destin des hommes jetés en pleine mer et livrés à eux-mêmes. Promis à une mort inévitable, le sort de ces hommes ne cessa jamais de les tourmenter.
Mais l'émotion est encore plus palpable quand, l'un des deux survivants, Gerhard Schwarz, âgé de près de 90 ans, s'embarque dans un drôle d'engin, sorte de bathysphère, pour s'approcher au plus près de l'épave, et se recueillir près des marins morts, parmi lesquels se trouve son meilleur ami. La guerre prend soudain un visage humain.
Parallèlement, pour mieux saisir les enjeux de cette époque et les réalités de la guerre, c'est à une immersion dans la Kriegsmarine que nous convie le documentaire, en faisant à juste titre remarquer, que la propagande nazie entretenait le culte des commandants valeureux, combatifs, auréolés de victoires, et qu'elle en faisait des héros pour galvaniser les équipages en partance pour des missions périlleuses. Car cette bataille de l'Atlantique, loin de n'être qu'un affrontement naval, fut aussi une guerre idéologique.
La vie quotidienne à bord de l'U-455 |
Kermite.
Liens :
https://1fichier.com/?1w1nuzeblzf3z22h98wr
https://1fichier.com/?5jkivbd0yqo26qnl77tx
https://1fichier.com/?h981ub143kvmqd83udvz
https://1fichier.com/?s8cxp8eoauubuehx3kgg
https://1fichier.com/?joaawoq9afybmayvumdt