Je
me souviens du scandale que le film a suscité, de la violence
dans laquelle se sont jetés conservateurs et catholiques de tout
poil, pour dénoncer un film délétère et blasphématoire. Le
spectre de l'intégrisme religieux avait brusquement resurgi,
entraînant le pays dans une hystérie collective et une effusion de
passions. Une salle de cinéma incendiée, et le film fut
pratiquement retiré de la distribution. J'ai eu tout juste le temps
d'aller le voir dans une petite salle de cinéma indépendante... Le
déchaînement de haine cristallisé autour de Martin
Scorsese m'avait
profondément révulsé, écœuré. Et puis, comment
pouvait-on se targuer de critiquer un film sans l'avoir vu ?
Bien sûr, ce qui était reproché au film, c'était de donner une
interprétation très personnelle des Évangiles,
d'avoir descendu le Christ de
son socle divin, de l'avoir désacralisé et l'avoir ramené à sa
condition d'homme. Jésus est
présenté dans La Dernière Tentation
du Christ,
non comme un Dieu, mais comme un homme qui doute de
sa mission salvatrice. Ce qui provoqua les foudres de l'Église
catholique, avec à sa tête, le cardinal Albert
Decourtray,
qui expliquait dans un communiqué, et sans avoir pris la peine
d'aller voir le film, que «la
mort de Jésus n’appartient pas aux romanciers, ni aux
scénaristes...» ! Fin de la discussion. Alors pourquoi faire du Christ
un
homme tourmenté, rongé par
le doute, obsédé par ses propres désirs, pourquoi l'avoir
finalement rendu humain, bien trop humain ? Une hérésie pour
notre bienveillant clergé...
Et
pourtant, toute la force du film est là, bouleversante,
renversante. Martin Scorsese fait
la démonstration que la Parole des Évangiles n'est
pas une parole dogmatique et intemporelle. La foi est une affaire
hautement et éminemment personnelle, une mise à l'épreuve, nourrie
par notre propre expérience. Les scènes les plus audacieuses, les
plus courageuses sont celles où l'on voit Jésus faire
l'apprentissage de sa propre foi. C'est vertigineux. Le dernier plan,
qui m'a laissé sans voix, donne tout son sens à ce film tant
décrié.
Kermite.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire