
On
a souvent présenté les
Enfants du Paradis comme
un classique du cinéma français. Je ne suis pas d'accord, c'est
bien plus qu'un classique, c'est un film mythique. D'ailleurs, ce
n'est pas un hasard si, pendant cette période très noire de notre
histoire, celle de l'Occupation, le cinéma français a produit
quelques-uns de ses plus beaux chefs-d'œuvre. Une des explications
tient dans cet étrange constat : il fallait regagner par l'esprit ce
que nous avions perdu par les armes. En somme, faire du cinéma
devenait lui-même un acte de résistance.
Un film
mythique, disais-je, où la collaboration entre Marcel Carné et
Jacques Prévert est porté à son point culminant. Les dialogues de
Prévert atteignent des sommets d'intelligence, d'inventivité, de
spiritualité. Les répliques brillent par leur poésie. On a
longtemps glosé sur la façon dont le cinéaste et le poète se sont
réparti les tâches, Marcel Carné, ne faisant qu'illustrer ce que
Prévert avait créé. Mais leur collaboration a été mutuellement
enrichissante et surtout, le génie de Prévert ne s'est jamais aussi
bien déployé que dans la mesure où Marcel Carné, autoritaire et
intransigeant, ne cédait en rien aux exigences des producteurs. En
somme, il y avait là, un merveilleux terreau qui permit l'éclosion
d'une fructueuse collaboration.
Mais je reviens un instant
sur le contexte historique. Commencé à Nice en août 1943, le
tournage du film s'avère chaotique et mouvementé, et subit de plein
fouet les aléas de la guerre. Le débarquement américain en Sicile,
puis l'armistice signé par les Italiens, changent complètement la
donne. En effet, le film est une coproduction franco-italienne entre
le producteur français, André Paulvé, et la société de
production italienne, Scalera. Les Italiens n'étant plus les
bienvenus, ils reprennent logiquement leurs billes, et André Paulvé
doit chercher de nouveaux financements. C'est Pathé-Cinéma qui
reprend l'affaire et fait signer de nouveaux contrats à tous les
artistes concernés. Le tournage peut ainsi reprendre en novembre 43,
à Paris, au Studio Pathé rue Francoeur, puis à ceux de Joinville,
entre alertes et bombardements. Par la suite, Marcel Carné traîne
des pieds pour terminer le film, car il avait à cœur de
présenter Les
Enfants du Paradis dans
une France libérée, et d'en faire le premier grand film de la
Libération. Marcel Carné profite de la fuite de Robert Le Vigan,
collaborationniste et antisémite, en août 44 pour Sigmaringen,
pour justifier un peu plus son retard. Robert Le Vigan, qui n'aura
tourné qu'une seule scène, sera remplacé par Pierre Renoir, frère
du très célèbre cinéaste. La première a lieu le 9 mars 1945 au
Palais de Chaillot, et Marcel Carné raconte dans ses mémoires
qu'elle fut quelque peu agitée, car le film commençant avec du
retard et ayant une durée inhabituelle de plus de trois heures, les
spectateurs s'impatientaient et partaient avant la fin, de peur de
rater le dernier métro à minuit trente !
Bien
évidemment, le film est réalisé à une époque marquée par les
restrictions et la pénurie. Les menuisiers allaient jusqu'à
récupérer les vieux clous tordus pour les redresser !
Paradoxalement, le film surprend par sa démesure. Un budget
pharaonique de 20 Millions de Francs, 1800 figurants, près de 5000
mètres de pellicule (pour un film à la durée exceptionnelle de 3h
15). Sans oublier le faste des décors et l'opulence des costumes.
L'industrie française de la haute-couture est, en effet, miraculeusement épargnée, ce qui explique la pléthore et la
magnificence des costumes, à une époque où la population n'avait
droit qu'à 48 grammes de viande par mois...
Les dénonciations
polluèrent constamment le tournage du film. Le climat délétère de
l'époque obligea le décorateur Alexandre Trauner et le musicien
Joseph Kosma, tous les deux juifs, à travailler dans la
clandestinité. Même le producteur André Paulvé fut lui-même
contraint de se retirer parce qu'on lui avait trouvé de lointaines
origines juives. Les
Enfants du Paradis est
un vibrant hommage au monde du spectacle, du théâtre et de la
pantomime. Le Boulevard du Temple, fidèlement reconstitué, est le
lieu de tous les mélodrames se jouant sur la scène
théâtrale. C'est aussi un lieu de vie par excellence. Quant aux
acteurs, Jean-Louis Barrault, Pierre Brasseur, Marcel Herrand, Louis
Salou, ils offrent une immense et incroyable prestation. Tout
simplement grandiose !
Et puis, il y a Arletty, pour laquelle
Prévert a écrit le rôle. Arletty, dont Prévert disait qu'elle
avait l'érotisme chaste, illumine le film et tient ici, sans aucun
doute, LE rôle de sa vie. Qui mieux qu'Arletty, pour incarner cette
femme éprise de Liberté ? Garance reste la figure centrale autour
de laquelle se nouent toutes les intrigues, et à travers laquelle
l'amour est déclamé sous les formes les plus variées. Intéressés.
Sensuels. Intellectuels. Et absolus bien entendu.
À sa sortie,
le film connut un succès populaire. Le pari de Carné de maintenir
le film dans ses deux parties a été gagnant. Il s'était battu bec
et ongles contre les dirigeants de Gaumont qui voulaient exploiter le
film, pour des raisons financières, en deux parties indépendantes,
et dans des salles différentes. Mais l'accueil critique fut, lui,
mitigé, du moins au début. On reprochait notamment au film d'être
trop froid, passionnant certes, mais pas assez passionné, manquant
d'émotion, de vie. Bien à tort à mon avis. Peut-être, un minimum
de recul est-il nécessaire avant de porter un jugement définitif
sur un film. Observez, par ailleurs, qu' à leur sortie, certains
films ne provoquent qu'une indifférence générale, et que seulement
bien des années plus tard, ils peuvent être portés au pinacle et
entièrement réhabilités...
Quoi qu'il en soit, je
répondrai que loin d'être sans vie, tous les protagonistes de
l'histoire sont littéralement habités par
leur rôle. C'est là un des traits caractéristiques du film. De la
vie et de l'émotion, il y en a forcément. Justement,
l'incommensurable réussite du film tient à cela : réussir à créer
la vie par l'art.
Bonus
du Coffret :
- Il était une fois… Les Enfants du
Paradis 51’15"
- Hallucination de Pierrot, un tout petit
film 2’29" de 1906
- Une légende, une vie : Arletty vue
par Jacques Prévert - INA - 13’08”
- Marcel Carné, le retour
1974 : survol de la carrière du réalisateur - INA - 8'25"
-
Tête d’affiche : Lady Arletty - INA 6 13’26”
-
Entretiens avec Jean-Louis Barrault en 1976 sur le plateau de
Monsieur Cinéma - 7’03”
- Entretien avec Pierre Brasseur en
1974 - 10’12”
- Archives Pathé sur le tournage - 5’13”
-
Galeries de photos - 7’36”
- Entretiens avec Alexandre Trauner
- 4'31
- Présentation du film par Carole Aurouet - 31'50''
-
La restauration du film - 11'55
- Livret scanné par mes
soins (26 pages -pdf)
PS : pour avoir comparé la
version sortie en DVD et celle en Blu-ray, la qualité est
pratiquement la même, pour les Bonus, je précise. C'est du kif-kif.
J'ai donc choisi logiquement la version DVD, plus légère. Par
contre, le film lui-même est bien issu du Blu-ray Pathé.
Bonus
personnels : (dénichés un peu partout, à la radio, sur Internet, à la télé, ou dans les livres)
- Retour sur
le film Les
Enfants du Paradis :
Noël HERPE, historien du cinéma et N.T Binh , journaliste et
critique, reviennent sur le film. (France Culture - 35 mn Flac)
-
L'épopée du tournage du film de Marcel Carné, Les
Enfants du Paradis,
formidable et passionnante émission, diffusée pour la première
fois en 1985, sur France Culture, et dédiée au chef-d'œuvre de
Carné/Prévert. Des interventions d' Alexandre Trauner, Francis
Courtade, Arthur Hoérée, et Michel Perez alternent avec des
documents d'archives évoquant les conditions épiques du tournage du
film. (90mn - Flac)
- De larges extraits, scannés par mes soins,
du très beau livre, sobrement intitulé, Les
Enfants du Paradis,
écrit par Bernard Chardère, fondateur de L'Institut Louis Lumière
et de la revue Positif (19 pages - pdf)

-
Extraits du livre Jeanson
par Jeanson.
Deux textes, le premier sur Marcel Carné. Dans une de ses
diatribes férocement drôles, Jeanson y fustige les producteurs
de Pathé,
prêts à tailler dans le film pour satisfaire leurs exigences
commerciales... Le deuxième évoque sa rencontre avec Arletty
pendant la guerre en 39. Dialogues irrésistibles. (3 pages
-pdf)
- Jacques Chancel reçoit Marcel Carné en 1989. (vidéo INA
- 63mn MP4 -204 Mo)
- Souvenirs d'enfance de Marcel Carné. (vidéo
INA - 39mn MP4 - 126 Mo)
- La vie intellectuelle sous
l'occupation, débat présenté par Bernard Pivot le 27 Juin 1975,
autour du Cinéma, de la littérature et du théâtre en pleine
Occupation, avec sur le plateau envahi par les volutes de fumée,
des invités prestigieux, Marcel Carné, Henri Amoureux, Hervé le
Boterf, Pierre Seghers et Maurice Toesca. (Vidéo INA - 65mn MP4 -
209 Mo)
- Le cinéma français sous l'Occupation par Jean
Ollé-Laprune. ( remux DVD - MKV - 24 mn)
- Le 28 septembre 1972,
Jacques Chancel reçoit Arletty ... (44mn France Inter - Flac)
-
Extraits du livre, Le Cinéma Français sous l'Occupation de René
Chateau, avec deux destins, celui d'Arletty et de Robert Le Vigan.
(6 pages - pdf )
- Arletty, entretien avec Claude Santelli. (vidéo
INA - 19mn MP4)
- Arletty, la minute de vérité, Cinq colonnes à
la une, interview. (Vidéo INA - 5mn MP4)
- Arletty interview
(Vidéo INA - 8mn MP4)- Arletty : archives vidéos. (Vidéo INA - 9mn
MP4)
- Une affiche du film. (jpeg)
- Trois articles dénichés
dans la revue Ciné-mondial en 1943/44 sur les fastes des décors
créés pour les besoins du film et les conditions épiques du
tournage.(1 page - pdf)
- Extrait de la revue Ciné-mondial 1944, un article sur l'enregistrement de la musique du film.
(jpeg)
Kermite.
Liens :
Pour le film:
Première partie :
https://uptobox.com/7cu9oe1v9b29
https://1fichier.com/?2kjrxgpe8fcw4oc9rloy
Deuxième partie :
https://uptobox.com/byj856istwcn
https://1fichier.com/?sirxxtiphky3bpwvyju5
Pour
les Bonus du DVD :
https://uptobox.com/21wipyy6clks
https://uptobox.com/21wipyy6clks
https://1fichier.com/?g7h6nwrlzsjea5fbtd4k
Pour les Bonus personnels :
https://uptobox.com/63786y1yu1el
Pour les Bonus personnels :
https://uptobox.com/63786y1yu1el
https://1fichier.com/?9hl8cogudfwy6tx6q3x4
Remux
Bluray (1920x1080)
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