Deux hommes pour une seule femme, l'éternel dilemme. |
Helmut
Käutner fait
partie des rares cinéastes allemands ayant travaillé sous le IIIe
Reich sur le sol allemand, à valoir le détour par la qualité de
ses films. Sa filmographie pointe comme une étrange anomalie dans la
litanie des films de propagande, et bien qu'ayant réalisé peu de
films pendant la guerre, on peut se demander par quel miracle il réussi à s'extraire du joug nazi et de la pression de son Ministre
de la Propagande, Joseph Goebbels, pour concocter des petits joyaux, à mille lieux
des poncifs idéologiques édictés par le régime...
Tourné
pendant l'été 1944 à la périphérie de Berlin, Unter
den Brücken,
réalisé par Helmut Käutner est l'un des derniers films allemands à
passer avec succès la censure de Goebbels. Il reçoit le visa de
censure du Bureau de vérification du cinéma national-socialiste en
mars 1945. Mais ne sera projeté en Allemagne que bien après la
guerre. Il faudra attendre le 18 mai 1950 pour qu'il passe enfin sur
les écrans à Hambourg.
Sous les ponts est aux antipodes des films de propagande nazie qui ont fait florès auprès du public allemand. Le film fait volontairement l'impasse sur l'état de délabrement où se trouve le pays, et nous présente, en quelques plans fugitifs, un Berlin idyllique, miraculeusement épargné par les bombardements et les restrictions de la guerre.
Le tournage, lui, ne fut pas une sinécure et fut constamment entrecoupé par les nombreuses alertes aériennes, causées par les bombardiers russes et alliés qui allaient larguer leurs bombes quelques kilomètres plus loin sur Berlin... Mais curieusement, rien n'entame le moral des comédiens. Au contraire, à l'image du film lui-même, le tournage a été vécu comme une parenthèse enchantée, un moment de détente presque irréel. L'acteur Carl Raddatz évoque «une période de tournage idyllique, presque romantique, au cours de laquelle les flots de bombardiers passaient au-dessus de nos têtes, en direction de Berlin. Quelques minutes plus tard, alors, au loin, à l'horizon, nous voyions s'élever des champignons de fumée, le ciel devenait plus sombre, on entendait un grondement distant, la terre tremblait doucement, les grenouilles coassaient autour de nous, le vent sifflait dans les roseaux, la Havel continuait de couler, doucereuse, comme si de rien n'était. Nous nous regardions soucieux, le travail continuait. (...) À l'époque, notre travail nous rendait tous très heureux.»
Helmut Käutner lui-même abonde dans le même sens, et dira : «Nous vivions perdus dans nos songes, à côté de notre époque, et nous oubliions toute cette terreur par le travail.» Difficile de faire le reproche au cinéaste de vouloir échapper à cette atmosphère pesante de fin de monde. J'ai l'impression que Käutner s'est construit une bulle, déconnectée des exigences et des atrocités de la guerre, une bulle d'air salutaire, lui permettant de traverser, plus ou moins sereinement, ces années orageuses, et d'échapper, pour un moment seulement, aux dures réalités de la guerre.
Pour moi, nul doute que Käutner est un poète. Ses films, tournés dans la tourmente de la guerre, sont comme des songes éveillés, des poèmes euphorisants, mâtinés d'une insouciance irréelle.
Cette balade fluviale sur les eaux de la Havel est une douce rêverie, une flânerie idyllique, bercée entre réalisme et poésie, et réalisée avec un évident savoir-faire. (très beaux plans des dessous des ponts) L'histoire, classique, transposée dans l'itinérance des bateliers, nous offre un triangle amoureux, où deux hommes se disputent la même femme. Sur un vieil air d'accordéon aux accents mélancoliques, on suit avec une curiosité grandissante les pérégrinations amoureuses de ce trio d'acteurs, au charme d'un naturel confondant.
Dans une Allemagne en pleine déliquescence, Helmut Käutner signe là une œuvre poétique, naïve et romantique, filmée dans un style moderne, avec des cadrages étonnants pour l'époque, et propose une fin atypique, assez osée, loin des schémas familiaux et des stéréotypes habituels auxquels le public est en droit de s'attendre en 1945...
Bonus :
- Ciné Kino : l' épisode 3 de la série documentaire dresse un aperçu un peu trop rapide à mon goût du cinéma allemand depuis F.W. Murnau jusqu'aux succès récents, mais en 29 minutes, comment faire autrement ? (HDTV)
- La fabrique du film allemand: la UFA fête son centenaire. (58mn - HDTV- Ts)
- Extrait d'Une histoire du cinéma allemand : la UFA, de Klaus Kreimeier, quelques pages sur le film de Käutner, Unter den Brücken, ainsi qu'un chapitre entier réservé aux films de divertissement, produits par la UFA pendant la période nazie, et dans lesquels s'insinue souvent une propagande masquée.
- Article critique du film Sous les ponts.
Kermite.
Liens : https://1fichier.com/?g53g4nm8vv6ttsfd0stz
(Film HDTV VOSTFR + VF + Bonus)
Ciné Kino (à part) : https://1fichier.com/?eeouoetrmv0w9nsub85t
Autres liens :
Remux Blu-Ray en VO, (St anglais ) ajout de st Fr, synchronisés par mes soins. La copie est superbe, à part quelques scènes nocturnes, faiblement contrastées.
https://1fichier.com/?tfbai25zipr79i1fy9i1
https://1fichier.com/?xzz3857oqo3hyiq2d2hg
https://1fichier.com/?kgj95148cy8h61mvqm6q
https://1fichier.com/?efx9a55qxde3r1pg14o7
https://1fichier.com/?bmctclfrpacaovg9y6tq
https://1fichier.com/?k6zm3j2axvzvdd8na0om
Bonjour et merci pour ce magnifique travail. Puis-je connaître le mot de passe pour "Sous les ponts" car Kermitou ne fonctionne pas.
RépondreSupprimerMerci
Oui effectivement, après vérification, l'archive est corrompue, donc je réup le tout avec un nouveau lien, mais toujours le même mot de passe.
RépondreSupprimerBon film!
Un oubli de ma part, le documentaire Cinekino, vous le retrouverez donc ici, à part :
RépondreSupprimerhttps://1fichier.com/?eeouoetrmv0w9nsub85t
ou
https://uptobox.com/9ebr0a33al90