mardi 17 août 2021

Himmel Ohne Sterne - Helmut Käutner 1955 VOSTRF






Synopsis :   Après la Seconde Guerre mondiale, dans l’Allemagne des années 1950, Anna Kaminski, jeune veuve d’un mari mort à la guerre, résidente dans la Thuringe en RDA, a été séparée de son jeune fils élevé par ses grands-parents en RFA. Elle passe illégalement le rideau de fer et tente de ramener son fils vers L'Est...



Voilà une étrange impression qu'il m'est arrivé d'éprouver  en voyant Himmel Ohne Sterne pour ce que je croyais être la première fois. Car bizarrement, des bribes de cette histoire me revenaient en mémoire au fil de l'intrigue, comme autant de réminiscences d'un passé qui jaillissaient mystérieusement d'une vie antérieure. En fait, je me suis aperçu, tout étonné, que j'avais déjà vu ce film, à une époque assez lointaine, où le nom d'Helmut Käutner ne me disait absolument rien. Mais j'ai depuis découvert ce cinéaste allemand et quelle découverte ! Son humanisme m'a conquis et la modernité avec laquelle il aborde certains sujets est surprenante. Toute l'affection que je lui porte vient en grande partie de ses films tournés parfois dans des conditions surréalistes, dans le maelstrom vertigineux de la Deuxième Guerre mondiale. Romanze in Moll, (1943), Große Freiheit Nr. 7 (1944), Unter den Brücken (1945)  sont ses plus beaux joyaux cinématographiques et témoignent, à mes yeux, d'une ardente et fervente humanité, à une époque qui en manquait singulièrement. 

C'est une lumineuse histoire d'amour qui vient éclairer ce Ciel sans étoiles, brillamment mis en scène par H. Käutner. La photographie de Kurt Hasse joue intelligemment sur des éclairages contrastés pour magnifier ou assombrir des sentiments, des situations. Ombre et lumière s'adjugent un jeu perpétuel dont la nuance s'avère capitale. J'ai en mémoire pour exemple deux plans différents d'une même scène. Dans le premier, la lumière éclatante, solaire, illumine le couple amoureux qui semble nager dans une félicité, le portant vers un avenir radieux. 


Filmé en contre-plongée, dans une atmosphère solaire et lumineuse, le bonheur à l'état brut, incarné par l'espoir d'un amour radieux.



Le même  couple, la même journée, filmé un peu plus tard dans une lumière tamisée par le crépuscule du soir, sur un fond noir inquiétant, semble timoré, presque ramolli sur lui-même, laissant présager un avenir incertain.



     La même scène, avec un arrière-plan sombre et une lumière tamisée par le crépuscule du soir, comme l'amorce d'un mauvais présage.
      





En revoyant le film, le charme opère toujours, tant cette histoire d'amour filmée sans pathos, dans une Allemagne scindée en deux blocs idéologiques par la guerre froide, sonne infiniment juste. C'est un hymne à l'amour qui s'exprime par-delà les frontières, un magnifique poème amoureux entre un homme et une femme, qui s'obstinent passionnément, inconsciemment, à s'affranchir de cette frontière qui leur est imposée et bouleverse leur existence. Le drame est posé de facto et ira crescendo jusqu'à l'ultime plan final d'une cruauté poignante.

C'est aussi un film sur le destin déchirant de l'Allemagne d'après-guerre, où des familles se sont trouvées brutalement séparées par une frontière devenue infranchissable. Ce sont ces petites tragédies familiales que sait si bien mettre en scène Helmut Käutner, à travers ici l'histoire de cette femme qui, après avoir perdu son mari pendant la guerre, vit seule en RDA et veut récupérer son jeune fils, habitant sous le toit de ses beaux-parents... en RFA. 


Un style à l'épreuve de l'imagination : des cadrages d'une étonnante poésie.



Le film jette une lumière sans fard sur l'exode des Allemands fuyant l'Allemagne de l'Est. C'est au péril de leur vie que certains tentent de passer le rideau de fer, et la scène d'ouverture montre combien cette périlleuse aventure est soumise au cynisme mercantile des passeurs, le plus souvent complices des gardes-frontières. Toute une galerie de personnages, comme souvent chez Käutner, étoffent naturellement la trame du récit, et les personnages secondaires ont ce supplément d'âme qui les fait exister par eux-mêmes. À l'instar du jeune soldat russe, figure étrange et presque irréelle qui exhale une douceur et une affabilité inattendue.

Avec ce film tourné au cœur de la guerre froide, Helmut Käutner porte un regard éclairé sur le cours de l'Histoire et pressent déjà ce vers quoi l'Allemagne se dirige inexorablement : une scission, irrémédiable, à la lisière de la schizophrénie, tant politique que psychologique, dont la matérialisation la plus éloquente fut la construction du mur de Berlin. 

Le drame de l'Allemagne d'après-guerre, parfaitement résumé dans l'épilogue par la voix off du narrateur (Helmut Käutner lui-même)  fut justement celui-là :  d'avoir instauré, au sein d'un même pays, "une frontière qui sépare l'Allemagne de l'Allemagne." 



"Une frontière qui sépare l'Allemagne de l'Allemagne."



 
Les ponts sont une véritable obsession chez Helmut Käutner. Plus qu'un élément décoratif, ils sont un symbole de liberté et peuvent devenir l'emblème d'un enjeu militaire ou politique.



En 1956, Himmel Ohne Sterne fut le seul film allemand en compétition pour la Palme d'Or du  Festival de Cannes. La guerre froide battant son plein, celui-ci devint le terrain des affrontements géopolitiques. Et cette année 1956 fut particulièrement tumultueuse, tellement les litiges mirent à mal la sérénité des débats. Le principal point de discorde concernait le film de Käutner. Un article du règlement pouvant occasionner le retrait d'un film en cas d'offense au "sentiment national",  le comité d'organisation du Festival vota pour l'éviction du film de Käutner,  suite aux protestations de l'URSS qui voyait dans le traitement infligé à l'Armée rouge une atteinte à son patriotisme...   Le film fut donc retiré et la délégation allemande quitta aussitôt Cannes.

1956 sera pour le Festival de Cannes l'une des dernières années où les prérogatives politiques prévaudront outrageusement sur l'expression artistique.





Bonus : 



-Cinéma 63, n°80,novembre 1963 :   Lettre d'Allemagne par Ulrich Gregor. (PDF - 7p)





En ce début des années 60, le critique et historien du cinéma Ulrich Gregor dresse un état des lieux consternant du cinéma allemand, où seuls Wolfgang Staudt, Bernhard Wicki et Helmut Käutner trouvent grâce à ses yeux, et encore...

Faillite et misère du cinéma allemand, films conformistes et sans idée... la critique est acerbe et sinistre, et l'auteur, comparant le cinéma allemand à un arbre desséché sans sève, se permet d'affirmer sans ambages que sa disparition ne serait même pas regrettable !!! On pourra, à juste titre, s'offusquer d'un tel constat amer, à la limite du ressentiment. Le renouvellement du cinéma allemand aura bien lieu, et l'avenir donnera, fort heureusement, tort à Ulrich Gregor.   


- 20 ans de cinéma allemand par Lucien Maas. (PDF-10p)

Kermite.




Trouvé sur la Toile, le remux est issu du Blu-ray en VO. Ajout des sous-titres en français, synchronisés par mes soins et issus, eux, d'un enregistrement TV, le film étant passé il y a peu sur Arte. 


Remux Blu-Ray (1920 x 1080)


Liens Film : 

https://1fichier.com/?0obxfsrmz0g5hyb4d8df

https://1fichier.com/?6d8qb9tzeb5u74kbdno5


Lien Bonus : 

https://1fichier.com/?1qin0z5tif4x0bjca89e