samedi 19 avril 2025

504, de Mohamed El Khatib, 2024










C'est l'histoire populaire de tous les Maghrébins de France qui, durant l'été, partent en voiture rejoindre leur famille de l'autre côté de la Méditerranée, en Algérie ou au Maroc. Mohamed El Khatib revient sur les traces de ces familles à travers le prisme de la mythique 504. C'est une tranche de vie comme je les aime. C'est émouvant, souvent drôle, truffé d'anecdotes et d'archives. Ce documentaire rappellera à certains une flopée de souvenirs. La voiture chargée à bloc, la peur de se faire dépouiller, la route qu'on avait parfois du mal à trouver, les contrôles fastidieux à la douane, les billets glissés dans le passeport pour se concilier les bonnes grâces du douanier. Tout respire le vécu à plein nez. Mohamed El Khatib donne la parole aux témoins de cette mémoire vivante, et à travers le récit de ces longs voyages estivaux, nous immerge dans cette passionnante odyssée collective.

504, documentaire de Mohamed El Khatib, 2024. 55mn. HDTV (1920 x 1080) 

Liens : 

https://1fichier.com/?1shyd9pp3az6f3y5qs3p

 

dimanche 13 avril 2025

JO 1972 la tragédie de Munich - Sebastian Dehnhardt et Uli Weidenbach, 2006 HDTV

« Les Jeux de 1972 ont sifflé la fin de l'idéal olympique et coupé les liens avec une chimère qui voulait nous faire croire à une double imposture. Qu'un stade pouvait être un sanctuaire de paix, et le sport, une zone franche, à l'abri des soubresauts de l'univers. »

Éric Champel, Les fantômes de Munich. Contre-enquête sur l'attentat des JO de 1972.









Les Jeux de Munich de 1972 furent une véritable tragédie. Ils avaient pourtant commencé sous les meilleurs auspices, avec la volonté affichée par les autorités allemandes de faire oublier le triste souvenir des Jeux nazis de 1936. C'est dans une atmosphère joyeuse et pacifique, colorée et festive, que s'ouvrent les Jeux de la XXe Olympiade de l'ère moderne. L'ambiance était résolument à la fête. Le journaliste Benoit Heimermann se souvient : « On se promenait dans le stade comme on se promenait dans une fête foraine. » ¹ La sécurité était la grande absente de ces Jeux. Les policiers allemands qui n'étaient même pas armés avaient troqué leur uniforme traditionnel contre un costume bleu ciel et paradaient comme des guides touristiques affables et courtois. Ce sont ces improbables conditions de sécurité qui ont permis aux huit membres du commando palestinien Septembre noir d'écrire la page la plus sinistre de l'histoire des Jeux olympiques. Le mardi 5 septembre 1972, au petit matin, ils réussissent à s'infiltrer dans le village olympique dépourvu de toute protection policière, tuent deux membres de l'équipe d'Israël, avant de prendre neuf athlètes israéliens en otage. On connaît la fin, et le bain de sang tragique auquel cette prise d'otage donna lieu démontra le total amateurisme de la police allemande.

Celle-ci qui refusa pratiquement toute aide extérieure et s'interdit toute initiative en ce sens, n'était pas du tout préparée pour faire face, seule, à une attaque terroriste. L'aide du Mossad aurait pu lui être utile. Mais pour des raisons de constitution et de souveraineté, elle la refusa. Livrée à elle-même, l'Allemagne n’a fait que révéler sa flagrante incompétence en matière de lutte anti-terroriste. Alors qu'elle essayait de placer des snipers armés en tenue d'athlète sur les toits des immeubles pour tenter de tuer les terroristes, le témoignage d’un participant est, sur ce point, édifiant. « Nous étions comme des alpinistes en claquettes dans l'Himalaya. » ²     

Les images d'archives qui nous sont parvenues sont ahurissantes ! Camouflés sous leur survêtement d'athlète, la clope au bec (!) les snipers allemands qui déambulent gauchement l'arme à la main sur les toits des immeubles ont franchement l’air de pieds nickelés. Les terroristes observaient tranquillement leur manège depuis leur poste de TV qui retransmettait tout en direct… On avait juste omis de couper l'électricité dans l’immeuble qu’occupait le commando ! C'est d'une impéritie confondante. Et que dire de l'assaut final qui fut une boucherie macabre, certains otages ayant même été tués par des balles allemandes...

Ce fut un fiasco total, jusqu'au communiqué final, dans lequel on a fait croire au public et aux familles des athlètes que tous les otages avaient été libérés et les terroristes morts. Le drame ne devait guère émouvoir l'inflexible et sectaire Avery Brundage, président du CIO, qui décréta, dans un discours sans âme, que les jeux devaient continuer, malgré tout. The show must go one.

Ces Jeux, assombris par la tragédie, ont traumatisé l'Allemagne. Que des Juifs soient de nouveau assassinés sur le sol allemand, 27 ans après la Shoah, à quelques kilomètres seulement de Dachau, a jeté le pays dans l’effroi et la tourmente, en faisant resurgir les vieux démons qui culpabilisaient tant la conscience des Allemands. Bien plus troublant, les autorités allemandes ont même découvert que des groupuscules allemands d'extrême droite néonazis avaient participé à la préparation de l’attentat, tout en ne divulguant pas l’information. Ces jeux ont aussi terni son image, en mettant au grand jour son incompétence en matière de sécurité. Les alertes terroristes étaient pourtant nombreuses. La bande à Baader sévissait régulièrement sur le sol allemand, et depuis que le FPLP (Front Populaire de Libération de la Palestine dirigé par Georges Habbache) avait choisi la voie des armes pour faire entendre la cause palestinienne, les attentats se multipliaient. Entre 1970 et 1972, des détournements d'avions parfois spectaculaires et tragiques attiraient immanquablement l'attention des médias occidentaux. En ce début des années 70, le terrorisme s'est de plus en plus internationalisé. Des révolutionnaires d'Italie, d'Allemagne, et même du Japon s'allient pour fomenter une révolution mondiale contre l'impérialisme américain. Et certains sont prêts à mourir pour la Palestine. Quelques mois avant l'ouverture des Jeux, le 30 mai 1972, trois terroristes japonais, membres de l'Armée rouge révolutionnaire, commettent un véritable carnage à l'aéroport de Tel Aviv. Vingt-huit morts et près de 80 blessés. Un attentat suicide revendiqué par le FPLP. Le climat était donc propice aux attentats et la menace bien réelle. Un rapport écrit par Georg Sieber, psychologue de la police de Munich, en avait parfaitement souligné la portée. Rapport balayé par le chef de la police de Munich, Manfred Schreiber qui voulait, conformément à la volonté officielle, faire de ces Jeux une immense et joyeuse fête. Les Jeux de l’allégresse devaient être ceux de la rédemption. Mais comment peut-on organiser une manifestation de cette ampleur sans des règles élémentaires de sécurité ? Tant de laxisme laisse perplexe. Certes, sans aller jusqu'à mettre des miradors devant le village olympique, comme en 1936 à Berlin, il était néanmoins de la responsabilité des autorités de veiller à la sécurité des athlètes. L'indemnisation, accordée 50 ans après les faits par l'Allemagne aux familles des victimes israéliennes, démontre in fine sa part de responsabilité. 

Elle, qui avait à cœur de promouvoir les valeurs de l'Olympisme et de se faire pardonner ses Jeux berlinois et leur dérive idéologique, s'est vu perpétrer sur son sol un acte terroriste aux conséquences géopolitiques insoupçonnables. Car, dans cette histoire, il n’est pas jusqu'au sort des trois terroristes qui ont survécu à la fusillade finale à l'aéroport de Fürstenberg qui laisse pantois. Il n'y aura jamais de procès. L'Allemagne aurait simulé un détournement d’avion pour se débarrasser de ces trois indésirables et signé un pacte faustien avec l’autorité palestinienne en autorisant leur libération contre l'assurance et la promesse de ne plus être victime d'attentat palestinien sur son sol. Libérés et accueillis comme des héros à Tripoli et dans le monde arabe, les trois rescapés ont même donné une conférence de presse pour tenter de justifier l’injustifiable. Jamal al-Gashi, l'un des terroristes, ne cessera jamais de clamer haut et fort la fierté d'avoir tué des otages juifs pour faire entendre la cause palestinienne. Mohammed Daoud Odeh, alias Abou Daoud, la tête pensante des attentats de Munich, avouera, dans ses mémoires, avoir voulu réaliser une pure action de propagande, un coup d'éclat pacifique, sans qu’aucune goutte de sang ne soit versée. Ankie Spitzer et Ilana Romano qui ont fait de leur vie un combat pour connaître la vérité sur la mort de leur mari, ont révélé au New York Times avoir eu accès à des documents et photos confidentielles qui ne laissent la place à aucun doute : les membres du commando Septembre noir furent des tortionnaires. Le corps des otages israéliens a révélé des traces de torture et l'haltérophile Yossef Romano a bel et bien été émasculé. 

Quoi qu'il en soit, la tragédie de Munich marque la naissance du terrorisme moderne et son internalisation. Les terroristes affichent désormais l'intention et la volonté de se servir de l'impact des médias dans le seul dessein de faire valoir leurs revendications politiques. Pour faire entendre la cause qu’ils défendent, quoi de plus efficace en effet qu’une prise d'otage en mondovision, à laquelle assistent près de 900 millions de spectateurs ? Le terrorisme devient ainsi une mécanique implacable et sordide qui se nourrit des médias pour marquer les esprits au fer rouge en distillant l'effroi et l’horreur.


La réponse d'Israël aux attentats de Munich fut d'appliquer la loi du talion. Pas question de laisser ce crime impuni. Justice et vengeance ont été le fer de lance d'une opération secrète baptisée « Colère de Dieu » et décidée par la Première ministre israélienne Golda Meir. Dirigée par le Mossad, elle visait à éliminer tous les responsables de la prise d'otages de Munich. Des assassinats soigneusement ciblés, parmi lesquels des responsables de l'OLP, ont été orchestrés au terme d'une traque minutieuse et tenace, échelonnée sur vingt ans. Si elle s'est distinguée par des actions spectaculaires et audacieuses (à Beyrouth notamment), elle s'est aussi entachée d'une erreur tragique avec l'assassinat du jeune serveur marocain Ahmed Bouchikhi, tué de quatorze balles sous les yeux de sa femme enceinte et confondu avec le leader de l'organisation Septembre noir, Ali Hassan Salameh. L'opération a été momentanément arrêtée par la guerre de Kippour, puis a repris après 1974. Après des années de filature, Ali Hassan Salameh a finalement été assassiné en 1979, succombant à l’explosion d’une voiture piégée. L'opération est aujourd'hui officiellement close, et si aujourd'hui, Jamal al-Gashi et Mohamed al-Safady, deux des trois terroristes ayant participé à la tuerie des otages, semblent, selon certaines sources autorisées, toujours en vie et en liberté, c’est que le Mossad a préféré s’en prendre avant tout aux responsables des attentats de Munich plutôt qu'à ses bras armés.


1. https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/ils-l-ont-vecu/l-attaque-8931518

2. Cité par Éric Champel dans Les fantômes de Munich. Contre-enquête sur l'attentat des JO de 1972. Édition Solar, 2024. p . 91.


Documentaire : 

- JO 1972 la tragédie de Munich, de Sebastian Dehnhardt et Uli Weidenbach, 2006 (HDTV - 90mn - MKV).



Bonus  :


Radio : 

Les JO de Munich pris en otage (FLAC - 57 mn - France Culture). Les évènements racontés et vécus par les témoins de l'époque, aussi bien par les athlètes que par les journalistes. 


- Mike Hariri, l'espion du Mossad qui vengea les athlètes assassinés aux JO de Munich (FLAC - 36 mn - France Inter). Portrait de Mike Hariri désigné pour mener à bien l'opération « Colère de Dieu ».

- L'opération Colère de Dieu ou la vengeance de Golda Meir (FLAC - 49 mn - France Inter).


- Septembre noir 1970 - La guerre fratricide (FLAC -  55 mn - France Inter).

Le commando Septembre noir est né des événement tragiques qui ont décimé l'OLP au cours du mois de septembre de l'année 1970. Petit rappel historique : suite à la guerre des Six Jours de 1967, près de 300 000 Palestiniens sont chassés de Cisjordanie et de la Bande de Gaza, et trouvent refuge en Jordanie. Certains réfugiés transformés en révolutionnaires prennent les armes et deviennent des fédayins. Mais leur présence sape et déstabilise l'autorité du roi Hussein de Jordanie qui, appuyé par les États-Unis, envoie ses chars pour détruire les bases militaires palestiniennes. Dix jours de combats et une guerre fratricide qui tourne au désastre pour les combattants palestiniens : plusieurs milliers de morts. Un mois de septembre noir pour Yasser Arafat et l'OLP, définitivement expulsés de Jordanie en 1971 et qui n'ont d'autre choix que de trouver refuge au Liban

- Septembre noir  (FLAC -  36 mn - France Inter).



 Livre et journaux : 

- Paris-Match n°1219 du 16 septembre 1972 (Extraits - PDF - 25 p). Traitement à chaud de l'événement par François Caviglioli.






- Paris-Match, chronique de notre temps. Année 1972 (Extraits - PDF - 10 p).







- Historia, février 2024 (Extraits - PDF - 3 p).





Historia, mai 2008. Golda Meir pionnière de choc (Extraits - PDF - 3 p).




- Éric Champel. Les fantômes de Munich. Contre-enquête sur l'attentat des JO de 1972. Édition Solar, 2024 (Extraits - PDF - 13 p).




Dans un livre mettant au jour de nombreux documents déclassifiés, le journaliste Éric Champel ne manque pas de rappeler toutes les négligences qui ont conduit au drame. Ainsi, les alertes terroristes pendant cette année 1972 étaient nombreuses. Georg Sieber, psychologue de la police de Munich, avait pourtant établi un rapport accablant sur les risques d'attentats terroristes durant les JO et le service allemand de renseignement avait même flairé que des Palestiniens préparaient bien quelque chose durant ces Jeux. Mais le chef de la police de Munich, Manfred Schreiber, n’a pas pris la peine de prendre en considération les avertissements et les conclusions du rapport, portant ainsi une lourde responsabilité dans le déroulement et l’issue des événements. La préparation et l’organisation des Jeux se sont construites sur cette obsession, sur cet aveuglement politique lié à la volonté de faire de ces Jeux une fête joyeuse, insouciante, de favoriser délibérément une ambiance peace and love, au détriment des exigences et des impératifs sécuritaires. Dans ses mémoires Palestine : de Jérusalem à Munich, publiées en 1999, Abou Daoud, le cerveau des attentats de Munich, révèle comment, pour en repérer les lieux, il s'est facilement infiltré dans le village olympique avant même le début des Jeux. Et comment il réussit par la ruse à accéder aux appartements vides de la délégation israélienne ! 

Interviewé par Éric Champel, Georg Sieber laisse entendre que, contrairement à tout ce qui a été officiellement dit, Israël aurait bel et bien participé à l'assaut final, l'Allemagne fournissant les hommes et le matériel en laissant Israël aux commandes. Zvi Zamir, chef du Mossad, qui était bien présent à l'aéroport de Fürstenberg pendant l’assaut final, l'a toujours réfuté. Il n’a été qu’un observateur. Rien de plus. Personnellement, j’ai du mal à croire que le Mossad, aguerri aux missions spéciales, soit directement impliqué en faisant preuve d’autant d’impréparation. Certains otages israéliens ont même été tués sous le feu des balles allemandes. Il faudra sans doute attendre la déclassification des archives (prévue pour 2032) pour démêler les nœuds des responsabilités dans l'imbroglio des événements. Qu'on apporte, enfin, des réponses claires aux familles des victimes. En attendant, le sort des trois terroristes, capturés pendant la fusillade finale, a fait, lui aussi, couler beaucoup d’encre. L'absence de procès et leur libération, en octobre 1972, suite au détournement d'un avion de la Lufthansa par des terroristes palestiniens, laissent planer, plus que des spéculations, une ombre maléfique sur la façon dont a été négociée leur libération. Par intérêt et pragmatisme, l’Allemagne aurait signé un pacte avec le diable, autorisant la libération des terroristes responsables du massacre de Munich contre l'assurance et la promesse de ne plus être victime d'attentat palestinien sur son sol. 






Vidéo : 


Un jour en septembre (Remux DVD - 90 mn - MKV) Kevin Macdonald 1999.





La voix de Michael Douglas donne encore plus de corps à la gravité des événements. Le réalisateur Kevin Macdonald mène l'enquête et revient sur le fil de cette journée noire, avec un énorme travail d'archives entrepris. La virtuosité du montage fait la force de ce documentaire aux images parfois crues. Les photographies ensanglantées des athlètes israéliens morts peuvent heurter. Le témoignage émouvant de Ankie Spitzer, veuve de l'entraîneur d'escrime André Spitzer, mort assassiné dans les attentats de Munich, sert de fil conducteur à un récit qui met peu à peu au jour le fiasco des autorités allemandes dans la gestion de la crise. Kevin Macdonald donne la parole à tous les acteurs du drame. Parmi les nombreux témoignages, celui de Jamal al-Gashi, survivant du commando palestinien Septembre noir, détonne singulièrement. Jamal al-Gashi qui n'aura de cesse d'affirmer haut et fort la fierté d'avoir tué des otages juifs pour faire entendre la cause palestinienne.

À noter que pour Kevin Macdonald, il ne fait aucun doute que Jamal al-Gashi est l'unique survivant du commando palestinien, alors que pour le journaliste Éric Champel, qui mentionne certaines sources dans son livre Les fantômes de Munich. Contre-enquête sur l'attentat des JO de 1972Mohamed al-Safady, qui a participé à la tuerie des otages, semble lui aussi toujours en vie et en liberté.



- Israël-Palestine, l'impossible coexistence ? (3 X 50 mn - HDTV) Réalisé et écrit par Dan Setton et Charles Enderlin, 2024.  

Un documentaire qui embrasse près de 80 ans de conflits entre ces deux peuples dont le destin semble aspirer dans une spirale sans fin de haine et de violence. 


- Une terre deux fois promise Israël-Palestine 1897-1967 (2 x 53 mn - MKV) Réalisé par William Karel et Blanche Finger, 2017.


- Munich 72 réalisé par Joey Boink, 2019. ( 44 mn - MKV - Web Dl)

- Une Histoire du terrorisme de Michaël Prazan, 2012. 1.Les années de libération (1945-70) 2. Les années de poudre (1970-1989) 3.Les années Jihad (1989-2011) HDTV - MKV.

Un doc qui n’invite guère à l’optimisme… Michaël Prazan dresse un tableau noir et assez effrayant du terrorisme depuis 1945 jusqu’à la chute de Ben Laden. Il nous expose son histoire et son évolution, ainsi que les multiples sources d’inspiration à partir desquelles il s’est développé. Car ce sont bien des intellectuels qui sont à la racine des mouvances terroristes. Ainsi, Frantz Fanon, qui préconise et légitime l'usage de la violence comme une arme politique dans la libération des peuples opprimés, devient un modèle, une icône pour les pays africains en voie de décolonisation (en Algérie notamment). De même, les écrits de Sayyid Qutb, principal idéologue des Frères musulmans dont le but ultime est d’imposer l'islam et la charia à la terre entière, ont sans aucun doute influencé Ben Laden. Aujourd'hui, la vision radicalisée et guerrière de l'islam prônée par Sayyid Qutb inspire les fondamentalistes islamiques.

Mais je trouve que le plus effrayant est la dernière séquence du documentaire. Une interview de Mahmoud al-Zahar, chef spirituel du Hamas, qui se plaint et ne comprend pas pourquoi l'Occident refuse à l'Iran la possibilité de détenir l'arme atomique. Pourquoi l'offrir à Israël mais pas à l'Iran ? Pourquoi ce deux poids deux mesures ?

Ce à quoi le journaliste qui fait l'interview saisit la balle au bond et lui fait cette réponse directe, cinglante et lucide :

« Je vais vous dire pourquoi. C'est parce que nous pensons que si vous aviez la bombe, vous l'utiliseriez. »

Mahmoud al-Zahar qui n’entend manifestement rien aux subtilités de la dissuasion nucléaire a alors cette réponse qui sonne comme un ultimatum et une menace à peine voilée.

« Une arme, est-ce que ça sert à faire des photos ou à se battre contre un ennemi ? »

Nul doute que si l'Iran, dont les dirigeants veulent l'anéantissement d’Israël, possédait des têtes nucléaires, elle ne se priverait pas d'en faire usage...


Au nom du Temple,  Charles Enderlin 2013. 65 mn


Un documentaire éloquent de Charles Enderlin qui montre comment la guerre opposant les Israéliens aux Palestiniens est une guerre essentiellement, fondamentalement, religieuse. Ce n'est pas une simple guerre de territoire, mais une guerre de religion se manifestant dans l'appropriation des lieux saints (à Hébron  se trouve le Tombeau des Patriarches et à Jérusalem le Mont du Templepremier lieu saint du judaïsme) et dans la primauté et la légitimité à vouloir occuper ces lieux originels et sacrés. Ainsi, en Cisjordanie, les colons israéliens qui s'y sont implantés se sentent investis d'une mission messianique et sont animés par le désir de vivre sur la terre de leurs ancêtres. De même, à Jérusalem, certains sionistes religieux  se donnent pour ambition de reconstruire le Temple de Jérusalem sur l'Esplanade des Mosquées, troisième lieu saint de l'islam... 

Alors, la paix que beaucoup souhaitent entre ces deux peuples, semble presque illusoire, tant les extrémismes religieux, de part et d'autre, suscitent des confrontations en cascades et empêchent, in fine, toute solution politique. 



Films à voir : 


En 2005, Steven Spielberg s'est emparé du massacre de Munich pour en faire un film ambitieux et personnel. Munich ne revient pas seulement sur les évènements tragiques de la prise d'otages, mais aussi sur la longue traque des responsables des attentats mise en œuvre par le Mossad. Œuvre d'espionnage, elle n'en révèle pas moins la profonde césure entre Israéliens et Palestiniens. Dans une scène sidérante mettant face à face les agents du Mossad à des terroristes palestiniens, sans que ces derniers ne se doutent un instant à qui ils ont affaire, s'amorce un dialogue surréaliste où éclate avec une force inébranlable la tragique évidence que ces deux peuples sont par leur histoire, irréconciliables et inaptes à vivre ensemble. La force des antagonismes religieux, comme des marqueurs indéboulonnables, délimite l'étendue du gouffre qui les sépare et empêche toute coexistence pacifique.  Á tous ceux qui reprochent à Steven Spielberg de prendre des libertés avec les faits, je rappelle à bon escient qu'un cinéaste n'est pas un historien (et heureusement !), mais un artiste qui s'approprie la réalité, la déforme selon sa sensibilité. Je préfère mille fois une histoire en partie basée sur des faits historiques à une reconstitution fidèle, fade et sans âme de ces mêmes faits historiques. 


5 Septembre de Tim Fehlbaum, 2025

Efficace dans sa réalisation, le film de Tim Fehlbaum est un huis clos original qui aborde le massacre de Munich sous l'angle médiatique. J’ai particulièrement apprécié le soin accordé à la reconstitution des technologies audiovisuelles et du matériel technique utilisés à cette époque (voir l'énorme caméra si difficile à déplacer utilisée pour filmer). Le film propose aussi une réflexion de fond sur l'éthique journalistique en posant LA question essentielle : que faut-il filmer dans la retransmission d'un événement qui peut à tout moment basculer dramatiquement ? Ou plus précisément : jusqu'où peut-on filmer ? Inévitablement, la question s’est posée aux dirigeants d’ABC Sports, puisque le commando menaçait d'exécuter les otages en direct si ses revendications n'étaient pas satisfaites. Étaient-ils moralement prêts à prendre ce risque, celui de filmer l'exécution des otages alors que les familles des athlètes suivaient elles aussi les évènements à la TV ? À mon sens, c’est la scène centrale du film. Quel est le récit que l'on veut médiatiquement donner des évènements ? Quelle est l'éthique à adopter devant ces événements incontrôlables ? Choisir la surenchère dans le spectacle sans aucune limite, rien que pour la course à l’audimat, avec le risque de filmer une exécution et de tomber dans le jeu des terroristes qui ont besoin des médias pour exister. Ou alors raconter une autre histoire, celle des otages dont la vie est en jeu ? C’est cette dialectique entre les images qu’on veut diffuser et l'événement lui-même qui est au cœur du scénario.


Liens : 


Documentaire : 

https://1fichier.com/?aty83qtjod639rujl83t


Bonus :

https://1fichier.com/?usmy2cg4t513hujf7ers

Kermite.