Synopsis
: Bert, (James Cagney) use de
tout son pouvoir pour essayer de faire entrer Anne Roberts (Joan
Blondell) en tant que femme de chambre dans l'hôtel où il
travaille, et essaye d'user de tous ses charmes pour la séduire,
mais ce n'est pas gagné...
Les
années qui ont suivi la Grande Dépression semblent avoir plongé la
grande Amérique dans un sentiment d'urgence qu'elle n'avait jamais
connu jusque-là. Le pays se doit de sortir de l'abîme béant qui
s'ouvre devant lui. C'est une question de survie. Le même sentiment
d'urgence parait imprégner la production cinématographique de
l'époque. (18 films tournés par William A. Wellman entre
1930 et 1934…! ) Ainsi, au début des années 30, la Warner
Bros imposait aux acteurs un rythme de travail effréné et
une cadence de folie. Pour la seule année 1931, James
Cagney joue dans plus de 6 films, avec des conditions de
travail éprouvantes, contre lesquelles l'acteur ne cessera jamais de
s'élever.
En 1931, James Cagney en est à ses
débuts au cinéma, pourtant, depuis la sortie de Public
Enemy, de William A. Wellman, il est déjà une
vedette consacrée, grâce à son rôle de gangster psychotique,
auquel le public, en pleine période de prohibition, s'identifie
totalement.
À son crédit, un jeu dynamique et alerte. Du rythme
dans ses mouvements, ses déplacements. Son débit verbal est
impressionnant. James Cagney est une boule d'énergie
qui insuffle à ses personnages un incroyable sentiment de vie, une
vitalité à toute épreuve. Voilà qui explique, en partie, les
raisons de son succès. Ses interprétations offrent un contrepoint
magistral à l'inflexible morosité ambiante et aux spasmes de la
crise économique.
La même année, il est en tête d'affiche
avec Joan Blondell dans Blonde crazy,
de Roy Del Ruth, dont la carrière aux débuts des années
30 est déjà presque à son apogée. C'est en effet au cours de
cette décennie qu'il réalise sans doute ses meilleurs films. Le
Faucon Maltais, Taxi! Employée’s Entrance, The Mind Reader ont
été réalisés juste avant l'application du fameux Code
Hayes en 1934. L'appellation de film Pré-Code est
trompeuse, et même incorrecte, car les films qu'on a appelé plus
tard Pré-Code, ne sont pas ceux qui ont été
réalisés avant l'instauration du Code Hays en
1930. Ce sont précisément ceux qui ont vu le jour entre le moment
où le Code Hays a été rédigé en 1930 (un code
souvent ignoré et peu appliqué dans l'ensemble) et celui où, sous
la pression des milieux catholiques, des Évêques, et du très
puritain Joseph Breen, il a été fermement et
scrupuleusement appliqué à partir de 1934.
L'apparition
du Code Hays ne signifiait pas qu'il n'existait pas
de censure auparavant. Ce qu'il faut savoir, et c'est assez
paradoxal, c'est qu'il n'existait aux États-Unis aucune censure
fédérale, chaque État disposant de ses propres groupes de pressions
associatifs et religieux. Mais les scandales sexuels répétés du
début des années 20, touchant certaines stars du cinéma muet, ont
obligé l'industrie du cinéma à établir une sorte de Charte morale valable pour tous les États. Car un boycottage massif des
films par le public, impulsé par des ligues de vertu, pouvait tout
simplement aboutir à la mort de cette industrie naissante. Hollywood
pouvait y laisser sa peau.
Voilà pourquoi Will H. Hays a
été nommé en 1922 à la tête de la MPPDA (Motion
Picture Producers and Distributors of America) et chargé
d'établir les prémisses d'une véritable autorégulation, de mettre
un peu d'ordre moral dans la production des films. Une tâche rendue
ardue par le fait que chaque État disposait de sa propre conception
de la moralité, et que ce qui était permis et toléré chez l'un,
pouvait ne pas l'être du tout chez un autre. Ce qui explique
pourquoi les studios pouvaient réaliser des copies différentes d'un
même film, d'une même scène, suivant l'État où elles étaient
destinées et distribuées.
En
tout cas, juste avant l'arrivée du parlant, une série de règles
furent instituées, édictées par les instances du cinéma, sous le
nom de "Don'ts and be carefuls", liste édifiante
d'interdits visant à montrer tout ce que les studios et réalisateurs
ne devaient pas faire. Elle avait pour but de mettre en exergue
des principes de conduite et des règles de la morale bien définis.
Bien trop concise, elle ne pouvait pas être respectée au pied de la
lettre. Ces interdits furent pourtant intégrés dans le fameux Code
Hays, qui fut définitivement appliqué en 1934, sous la
pression des milieux catholiques, ces derniers n'ayant pas hésité à
faire un véritable chantage aux producteurs, en leur faisant
comprendre que s'ils ne se pliaient pas à leurs exigences, un
boycott général de leurs films risquerait de leur faire perdre
beaucoup d'argent. Une campagne des évêques a été orchestrée
auprès du public et la montée au créneau de plusieurs cardinaux a
mis du poids dans la balance. La puissante Ligue Catholique pour la
vertu recueille la signature de près de 5 millions de fidèles sous
la forme d'un serment d'allégeance ! Devant la menace exhibée
d'un boycott national, les dirigeants de l'Industrie du cinéma
cédèrent aux coups de boutoir de la Ligue...
Et pourtant,
ces films réalisés entre 1930 et 1934, qu'on a appelés après
coup, Pré-Code, sont d'une audace inouïe. Leur liberté
de ton peut laisser pantois, les sujets abordés sont parfois d'une
crudité déroutante, et les sous-entendus sexuels jubilatoires !
Mais cette «parenthèse enchantée», expression récusée
par certains historiens, fut malheureusement trop brève. Sentant que
les choses n'allaient pas durer éternellement, et que le vent allait
forcément tourner, les réalisateurs se sont jetés à corps perdu
dans la création…. Une urgence créative qui a vu une profusion
d'œuvres pour une si courte période.
On retrouve
dans Blonde Crazy tous les ingrédients qui font le
charme et la force des films Pré-Code. Dialogues salaces
et sous-entendus graveleux, vulgarité assumée, cynisme des
situations, liberté sexuelle au sein du couple…
Blonde
Crazy est une comédie pétillante et immorale. Roy
Del Ruth prend un malin plaisir à nous dépeindre un petit
couple d'escrocs à la petite semaine, obnubilé par l'appât du
gain. Mais ce couple d'escrocs formé par James
Cagney et Joan Blondell fonctionne à
merveille. Dès leurs premières escarmouches, on sent que ces deux-là
iront loin ensemble. Et d'ailleurs, leur entente est si flagrante,
qu'ils continueront de jouer encore, dans près de cinq films….
Joan
Blondell se distingue par son sens de la répartie, sa
fraîcheur, et au final, le film de Roy Del Ruth est
une belle réussite.
Bonus Personnels :
-
Extrait des Cahiers du Cinéma (décembre 2013 - PDF - 13p) un
dossier consacré aux films Pré-code avec des
portraits de Barbara Stanwyck, Mae West et Jean
Harlow, complété d'un article consacré au réalisateur William
A. Wellman. L'étude est soignée, mais on sent poindre chez
leurs auteurs une volonté de mettre le holà à certaines idées
reçues liées aux films de cette période.
-
Un article d'introduction aux Films Pré-Code signé Hélène
Frappat figurant dans le livret Forbidden Hollywood,
consacré aux trésors de la Warner sortis en DVD. ( PDF - 2p)
- «Forbidden Hollywood» (PDF-7p) est un article écrit par Frédéric Cavé dans
la revue 1895 (1er décembre 2014). C'est une
réponse cinglante aux allégations d'Hélène Frappat plaçant
les Films Pré-Code sur le terrain du
féminisme. Si Frédéric Cavé semble
relativiser la portée des films Pré-Code, et leur
pouvoir subversif, en insistant sur le fait que, finalement, les
thématiques abordées par les Films Pré-Code, l'étaient
déjà au temps du muet, (ce qui en soi ne détermine en rien de la
subversion d'une œuvre, car celle-ci dépend peut-être moins du
contenu que de la manière de traiter un sujet...) l'auteur
omet un fait essentiel, qui bouleversa le cinéma dans ses règles et
ses fondements : l'apparition du parlant, qui opéra une refonte
complète du cinéma, de sa façon de l'appréhender. Son pouvoir de subversion prit un nouveau visage…
- Le
Code Hays. L'autocensure du cinéma américain par Francis
Bordat, historien du cinéma américain. Un article passionnant,
extrait de Vingtième Siècle, revue d'histoire,
parue en juillet 1987. L'auteur y fait le récit de l'étonnante
histoire du Code Hays. (PDF - 15p)
- Les
films Pré-Code de la Warner (1930-34) (France
Culture-FLAC-31 mn). Les critiques de cinéma, Philippe
Rouyer et Jean-Baptiste Thoret, esquissent les
grandes lignes du cinéma Pré-Code à travers des
exemples précis de films d'Alfred Green, William A.
Wellman et Frank Lloyd.
- Forbidden
Hollywood : les films de l'ère Pré-Code. (France
Inter-51mn-FLAC) Philippe Rouyer toujours à
l'œuvre dans l'intérêt porté aux films Pré-Code.
-
Bande-annonce du film en VO ( MKV - SD-3mn)
Puisé dans des
revues d'époque qui n'évitent pas les potins, (ah la rubrique
faire-part...) mais réussissent à brosser un portrait attachant
de Joan Blondell :
- Pour Vous n°183 (19
Mai 1932 - PDF - 1p)
- Pour Vous n°307 (4
Octobre 1934 - PDF - 1p)
- Cinémonde n°325 (janvier
1935 - PDF- 2p)
PS: le DVD d'origine est en VO, ajout des
sous-titres en fr (en jaune ou blanc) synchronisés par mes soins.
J'attends
toujours la traduction de l'autobiographie de James Cagney,
(Cagney by Cagney), parue déjà, il y a plus de 40 ans... C'est
vrai quoi, nous les gueux européens, on a envie de se cultiver... Ce
serait bien que nos amis américains le sachent...!
Kermite.

